Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/247

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quelque temps après avec elle à la première grande fête impériale qui eut lieu aux Invalides. Elle inclinait vers ces pompes de l'Empire, elle essayait par degrés de m'y réconcilier, et je l'entrevoyais déjà ambitieuse pour moi dans le même esprit qu'elle l'était pour elle. La vertu politique s'attiédit vite au souffle d'une bouche qui parle à demi-voix. Mais comme c'était le moment où retentissait encore sur le pavé de la Grève la tête de Georges et des siens, je ressentais en y songeant, une confusion douloureuse et de vifs élans contre ma faiblesse. d'autres troubles s'y joignaient. Je reçus vers ce temps des nouvelles qui m'émouvaient toujours de mademoiselle Amélie et de sa grand-mère. Je les eus par une de leurs connaissances de campagne en Normandie, qu'elles m'adressèrent, un homme de dix ans au moins mon aîné, mais avec qui me lia du premier jour une conformité périlleuse de penchants et d'humeur. Il venait à Paris sans but apparent, mais en effet pour une passion dont il poursuivait l'objet, d'ailleurs peu rebelle. C'était une âme charmante et pour qui la nature avait beaucoup fait, d'une sensibilité affable et prompte à s'offrir, d'une première fleur en toutes choses, un peu mobile, légèrement gâté, non pas au fond par la fortune et les plaisirs ; il avait été de la jeunesse dorée et de ces folles ivresses ; mais aimable, exquis rompu au monde, sachant les Lettres aussi et versifiant même délicieusement ; un mélange enfin de tendresse facile et d'esprit français du meilleur temps avec des ouvertures de cœur singulières vers la religion. Il m'allait à merveille, et je lui convins ; nous en fûmes vite aux confidences. Je lui dis mes perplexités ; il y entrait avec un intérêt plein de fraîcheur, et comme il sied à une amitié qui ne veut pas rester fade, même à côté de l'amour ; il jetait dans mes sentiments embarrassés des mots pénétrants avec sa supériorité d'expérience. Cette liaison