Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/257

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et les sourires, tendait brusquement toutes les méfiances.

Huit jours à Blois eussent reculé et anéanti l'effort de mes huit mois parjures. Si seulement elle me voyait triste d'une certaine tristesse, elle soupçonnait cette cause et devenait à l'instant d'une altération de ton et d'une aigreur singulière.

Je remettais donc chaque jour d'ouvrir la bouche sur ce court voyage, et je n'osais jamais.

Il y avait un an bientôt qu'ils avaient quitté Paris. Il y en avait déjà deux que, sortant pour la dernière fois de la Gastine, j'avais demandé, en langage embarrassé et couvert, à mademoiselle Amélie ce terme de deux ans pour voir clair dans ma destinée et me résoudre sur les futurs liens. l'apprenais qu'elle devait venir prochainement passer quelques semaines chez une amie de sa mère. Qu'allais-je avoir à lui dire, et comment masquer tant de confusion ?

Quelle clarté si nouvelle avais-je donc acquise durant ces deux années ? quelle ouverture avais-je pratiquée à travers les choses ? Une volonté vacillante et bégayant, plus inarticulable que jamais ; une situation plus fausse et plus déloyale, non seulement vis-à-vis d'elle, mais envers deux autres cœurs également blessés ! Pas un acte d'énergie, pas une direction tentée en vue du bonheur d'autrui ni du mien, pas une droite issue ! Noble jeune fille qui, debout, sans vous lasser, si fermement enchaînée au seuil d'une première espérance, ressembliez à une jeune Juive, au bord d'une fontaine ou d'un puits, les mains dans vos vêtements, attendant que le serviteur peu fidèle revînt placer sur votre tête l'urne pesante, ou déjà ne l'attendant plus, mais restant, regardant toujours, n'appelant jamais, jamais importune même dans le plus secret désir, appuyée sur votre gentille Madeleine qui grandit moins folâtre et qui n'a pas surpris une seule de vos larmes ! ô sublimité simple de la volonté et du devoir ! quel retour il se faisait en