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petit jardin
Et grand-maman le jasmin !


Le caractère de sa sœur devenait aussi plus difficile, et volontiers capricieux ou impérieux. Nous avions quelque-fois des discussions avec madame de Couaën sur la direction qu'il aurait fallu donner à ces jeunes êtres ; mais naïve, excellente sans effort, et n'ayant eu que les baisers maternels pour discipline, elle entrait peu dans ces nécessités ; et moi, qui m'offrais à cette tâche, aurais-je eu la persévérance et le désintéressement de la remplir ? Dans le court séjour que j'avais fait à Blois, Arthur, profitant d'un moment où j'étais resté seul près de son lit (car il se trouvait alors malade), m'avait dit : “ Pourquoi ne viens-tu plus avec nous, tu nous fais de la peine. ” Je ne sais ce que je lui répondis ; il se tut comme s'il eût pensé beaucoup et ne me questionna plus. La petite Lucy, plus fière ou moins sensible, ou plus discrète encore, ne m'aurait rien demandé.

Et quand je vous peins ainsi ces deux beaux enfants par les traits qui les détachent du fond commun de leur âge, je ne prétends pas dire, au moins, que ces traits distinctifs apparussent continuellement en eux et en fissent d'avance de complets modèles. Oh ! non pas ! souvent Arthur le barde était bruyant, altier ou mutiné ; souvent sa royale sœur était familière, babillarde, ou d'un rien émue et en larmes ; souvent ils folâtraient et se confondaient à nos yeux selon les grâces et toutes les contradictions de l'enfance.

C'était donc un de ces chers objets que venaient de perdre nos amis. J'étais présent à les attendre lorsqu'ils arrivèrent en pleine nuit au petit couvent. Il n'y eut entre nous que des mains pressées, des embrassements étouffés, sans parler de rien, sans rien nommer. Elle me parut au premier coup d'oeil moins changée que je ne J'avais craint, et toujours belle.

Le lendemain matin, je les vis l'un et l'autre, et d'