Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/264

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en cet enfant, à travers un instinct de spiritualité et de prière, saisir une inspiration des fées mourantes, un souffle d'Ariel déjà baptisé ? J'appelais depuis ce temps Arthur notre jeune barde, et ce fut à plus forte raison lorsqu'un jour, après l'avoir cherché longtemps au logis, comme tous étaient dans l'inquiétude, je le trouvai sur la montagne, assis seul et les yeux en larmes vers la mer, sans qu'il me pût expliquer comment ni pourquoi il était là. Son père l'aimait à l'adoration, et quand il le tenait entre ses genoux, le contemplant et lui arrachant de naïves paroles, et, du sein de son ombre habituelle, s'illuminant doucement de lui, je ne pouvais m'empêcher de trouver qu'il y avait dans cet enfant tout tendre et poétique beaucoup pourtant du génie paternel, un germe aussi des inquiètes pensées, un rêve de vague gloire peut-être autant que de tendresse, quelque chose d'une fixité de mélancolie opiniâtre et dévorante. Ce noble père souriait en ces moments sans doute à l'idée que l'enfant serait quelque jour un flambeau, une illustration qui réfléchirait sur la race jusque-là inconnue et sur lui-même. Heureux et deux fois sacrés les pères qui reçoivent d'un fils glorieux l'éclat qui les a fuis et qu'ils auraient les premiers mérité !

Depuis le départ de Couaën, Arthur avait été assez triste et maigrissant, malade dans sa sensibilité. Les bons soins du petit couvent ne lui avaient pas fait oublier la grève et les bois. Dans les commencements, il demandait souvent à sa mère, mais en se cachant de madame de Cursy, pour ne pas avoir l'air de la vouloir quitter :

« Maman, reverrons-nous bientôt la mer ? ” Madame de Cursy, un jour, en traversant le jardin pendant l'office, les surprit, lui et sa sœur, qui psalmodiaient, à l'unisson des vêpres, cette espèce de couplet de l'invention d'Arthur :

 
Bon Dieu, rendez-nous la mer,
Et la montagne Saint-Pierre,
Et noire