Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Dans le trajet de ces fréquentes allées et venues, et durant mes courses à cheval de chaque jour à la campagne, je m'étais accoutumé volontiers à rabattre par la Gastine, grande et vieille ferme à deux petites lieues de chez nous.

La famille de Greneuc, qui en était propriétaire, y habitait depuis quelques années, et son bon accueil m'y ramenait toujours. Je n'oserais dire toutefois que l'attrait de cette compagnie dût être uniquement attribué à M. et à madame de Greneuc vénérable couple, éprouvé par le malheur, offrant le spectacle d'antiques et sérieuses vertus bon à entendre sur quelques chapitres des choses d'autrefois la femme sur Mesdames Royales, auxquelles, dans le temps, elle avait été présentée, le mari sur M. de Penthièvre, qu'il avait servi en qualité de second écuyer, et dont il érigeait en culte la sainte mémoire. M. de Greneuc du reste, avec sa haute taille parfaitement conservée, sa tête de loup blanc qui fléchissait à peine, son coup d'oeil ferme et la justesse encore vive de ses mouvements faisait un excellent compagnon de chasse qui redressait à merveille mon inexpérience et lassait souvent mes jeunes jambes.

Mais ce qui me le faisait surtout rechercher, je le sens bien c'est que dans sa maison sous la tutelle du digne gentilhomme et de sa femme, habitait, âgée de dix-sept ans leur petite-fille, mademoiselle Amélie de Liniers. Il y avait aussi une autre petite fille, cousine germaine de celle-ci, mais tout enfant encore, la gentille Madeleine de Guémio, ayant de six à sept ans au plus à laquelle sa jeune cousine servait de gouvernante et de mère. Les parents de ces orphelines étaient tombés victimes de l'affreuse tourmente, les deux pères, ainsi que madame de Guémio elle-même, sur l'échafaud : madame