Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/294

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qui rencontrent ces folles cavalcades un moment arrêtées et s'étalant sur les nappes de verdure, aux marges ombragées des clairières, s'en reviennent tout dévorés, pensifs le long des prairies, et se composent dans le roman de leur désir un interminable tissu des félicités charmantes. Mais, ces jeux apparents des amours, on en ignore les nœuds et les crises. Mais, ces femmes si obéies, on ne les voit pas, dès le même soir souvent, dans les pleurs, nobles et pâles sous l'injure, se débattant contre une main égarée. Que de glaives jaloux tirés avec menace et lâcheté durant la surprise des nuits, pour faire mentir une bouche fidèle, pour soumettre un sein demi-nu ! Combien, et des plus belles et des plus tendres, le front sur le parquet, ou sur leurs tapis de mollesse, sans oser pousser un cri, ont été traînées par la soie de leurs cheveux ! Combien accablées de noms flétrissants, de paroles qui rongent une vie ! Combien, au réveil de la défaite, repoussées froidement par un égoïsme poli, plus insultant et plus cruel encore que la colère ! Le monde se pique, en ces sortes de crimes, d'observer les dehors au moins les formes de délicatesse. Il y en a, m'a-t-on dit, qui mettraient volontiers leur nom, chaque lendemain matin, chez les femmes immolées, comme après un bal ou un dîner d'apparat. Le monde se vante surtout qu'entre certaines gens bien nés, la querelle elle-même est décente, que la rupture n'admet point l'outrage. Le monde ment. L'astuce impure a ses grossièretés par où finalement elle se trahit.

La boue des cœurs humains remonte et trouble tout dans ces luttes dernières, dans ces secousses où de factices passions se dépouillent et s'avouent. L'égoïsme de la nature sensuelle se produit hideusement, soit qu'il bouillonne en écume de colère, soit qu'il dégoutte en une lie lente et glacée. On arrive, au tournant des pentes riantes, à des fonds de marais ou à des sables.

Vous reconnaissez,