Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/312

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le premier du char de l'aurore. Les mots empestés qui troublaient mon haleine me venaient de lui. Oh ! demeurons purs toujours, si nous le sommes ! Ne souillons jamais nos imaginations ni nos lèvres ! car il est des moments où l'âme la plus secrète remonte, où le puits de l'abîme en nous est forcé. Epoux, craignez, dans vos songes, de laisser échapper des mots honteusement obscurs entre les bras de l'épouse ! Dans la maladie, si le délire nous prend craignons qu'il ne nous échappe quelque débauche de parole qui fasse rougir nos mères ou nos sœurs, et leur décèle en nous des antres de ténèbres. Oh ! vous tous qui l'êtes, restez purs de cœur, pour être certains que des sons purs seulement, des prières autrefois apprises, des versets de psaume mêlés à l'huile sainte, effleureront vos lèvres dans l'agonie.

Ma volonté trébuchait donc ces jours-là, comme une femme ivre, dès le matin. D'insensés et de dépravés désirs me sillonnaient. Mais d'autres fois, ce n'est que vers midi, après la première matinée assez bien passée, que l'ennui vague, le dégoût du logis, un besoin errant si connu des solitaires de la Thébaïde eux-mêmes et qu'ils ont appelé le démon du milieu du jour, vous pousse dehors, converti fragile et déjà lassé. Les images riantes des lieux, les ombrages de nos collines préférées et de nos Temps, agitent en nous leurs fantômes. On se rappelle ces mêmes heures qui s'écoulaient autrefois dans des entretiens si doux. - Le roi David midi un peu passé, monta sur la terrasse en marbre de son palais, et vit sur la terrasse d'en face se baigner la femme d'Urie ? ; il fut atteint de cette flèche qui vole au milieu du jour, et qu'il faut craindre, s'écriait-il dans sa pénitence, à l'égal des embûches de la nuit : a sagitta volante in aie, ab incursu et daemone meridiano . - On n'y peut tenir. Adieu l'étude et la cellule qu'on se prétendait faire ! Si l'on était au désert de Syrie comme