Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/354

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n'étaient pas trop disproportionnés pourtant, ajoutait de l'intérêt aux entretiens ; c'étaient des frères déjà hommes, et d'autres frères adolescents. Il n'y avait plus de rang au réfectoire : chacun se plaçait à sa guise, et, dans cette confusion universelle, la cellule était la seule chose qui restât inviolable ; on ne pouvait y introduire personne sans une permission expresse. Avant le dîner, l'examen particulier avait lieu comme de coutume, et dans l'après-dîner une lecture spirituelle. Le soir, lorsque le pensionnat de la ville avait quitté la maison, nous nous mettions à la file les uns des autres, sans ordre, et nous disions le chapelet tout haut, en tournant dans les allées de tilleuls déjà sombres. Ceux qui arrivaient les derniers étaient guidés pour rejoindre l'endroit de la marche, par cette rumeur au loin harmonieuse : tel le bourdonnement des hannetons sans nombre dans un champ de lin, ou le murmure d'abeilles tardives, derrière le feuillage. - Une fois, la procession, qui s'était dirigée au hasard vers un côté inaccoutumé, parvint jusqu'à mon allée secrète. Que d'émotions m'assaillirent en approchant ! les ténèbres redoublées voilèrent mes larmes ; le bruit de tous étouffa mes sanglots !

Le régime du mercredi était celui des vacances, qui duraient la plus grande partie du mois d'août et tout le mois de septembre. On faisait chaque jour une longue promenade. Le soir, il était permis de chanter des chansons ayant trait aux petits événements de la journée, aux incidents remarquables de la semaine. Celui que l'on voulait chansonner montait sur un banc, et le chanteur-improvisateur à côté de lui. La foule applaudissait, et ces scènes toujours innocentes, qui semblaient un ressouvenir du Midi, un vestige facétieux du Moyen Age, ne manquaient pas d'un entrain de gaieté populaire et rustique.

Nous subissions des examens généraux sur la théologie