Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/87

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la vigueur du tronc que voilà n'est pas la moindre. Les destinées des hommes ne répondent point à leur énergie d'âme. Au fond cette énergie est tout dans chacun ; rien ne se fait ou ne se tente sans elle ; mais entre elle et le développement où elle aspire, il y a l'intervalle aride, le règne des choses le hasard des lieux et des rencontres. s'il est un effet général que l'humanité en masse doive accomplir par rapport à l'ensemble de la loi éternelle, je m'en inquiète peu. Les individus ignorent quel est cet effet ; ils y concourent à l'aveugle, l'un en tombant comme l'autre en marchant. Nul ne peut dire qu'il est plus fait que son voisin pour y aider. Il y a une telle infinité d'individus et de coups de dés humains qui conviennent à ce but en se compensant diversement, que la fin s'accomplit sous toutes les contradictions apparentes ; le phénomène ment perpétuellement à la loi ; le monde va, et l'homme pâtit ; l'espèce chemine, et les individus sont broyés !...

« Non en fait de destinée humaine individuelle, en fait même d'événements principaux et de personnages de l'histoire, je ne sais rien à proclamer de nécessairement et régulièrement coordonné ; je ne sais rien qui, selon moi, au point de vue où nous sommes, n'ait pu aussi bien être autre, et offrir une scène et des figures toutes différentes. ” Et il prenait l'exemple le plus saillant, qui m'est toujours resté : " Vous jugez peut-être le 9 thermidor, avec la chute de Robespierre et des siens, un événement nécessaire ; il y a du vrai en un sens : on était las des monstres. Et pourtant si, ce jour de thermidor, la Commune et Robespierre avaient vaincu, ce qui était matériellement fort possible, Robespierre ne serait pas tombé. Qui sait alors la tournure nouvelle ? Il eût ménagé la transition lui-même ; l'hypocrite se serait tempéré ; il aurait parodié jusqu'au bout Octave, et ce serait lui au lieu de l'autre, lui,