Page:Sallust - Traduction de Jean Baudoin, 1616.djvu/225

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& pluſieurs autres, bien qu’ils ne fuſſent ny armez, ny rangez en bataille. Ils ont eſté meſchamment occis, & contre tout droict de guerre. L’on a veu le menu peuple de Rome taillé en pieces. Vne boucherie s’en eſt faicte publiquement, comme des beſtes qu’on eſgorge. Ah ! Ceſar que ces actes paroiſſoient ſanglans, & quelle pitié c’eſtoit de voir les aſſaſſinats clandeſtins commis en la perſonne des Citoyens, les enfans maſſacrez au ſein des peres & des meres, les femmes en fuitte[1], & les maiſons rauagees. Auant voſtre victoire toutes choſes eſtoient cruëlles & inhumaines. Et neantmoins ceux qui ſont accourus dans voſtre camp, oſent bien vous pouſſer à de meſmes actes de cruauté. Comme ſi vous & Pompee auiez faict la guerre auec deſſein, de perdre l’eſtat : comme ſi voſtre intention euſt eſté d’enuahir la Republique au lieu de la reſtablir, & comme ſi pour ce ſubjet vos ſoldats, (qui ſont tous hommes d’honneur, & des plus anciens) voyans leurs gaiges faillis ſe fuſſent armez à la ruyne de leurs freres, de leurs parents, & de leurs propres enfans.

Il eſt certain qu’ils vous donnoient ce conſeil, comme les plus meſchans des mortels, affin d’auoir dequoy remplir leur ventre & le goufre de leur luxure, enſemble pour faire deshonneur à voſtre victoire, & fouiller de leurs vilenies les loüanges des gens de bien.

le ne penſe pas que vous ignoriez quels ont eſté leurs deportemens, & combien petite leur modeſtie, parmy l’incertain eucnement de la guerre. Tant qu’elle a duré, quelques-vns d’entre-eux n’ont faict autre meſtier que d’yurongner & de paillarder ; bien que l’aage leur deuſt deffendre, meſme en temps de paix de s’addonner à de ſemblables voluptez, ſous peine d’eftre deshonnorez & rendus infames. Mais c’eſt aſſez parlé de la guerre.

Puis que vous & les voſtres eſtes apres pour faire la paix, ie vous prie, ô Empereur ; de conſiderer premierement, combien eſt importante l’affaire qui ſe propoſe à voſtre Conſeil. Par ce moyen tous pretextes oſtez (ſoient qu’ils ſemblent bons ou mauuais) vous irez droict à la verité par vn chemin, qui ne ſera que trop large. Pour moy, toutes choſes ayans leur fin comme leur naiſſance, ie ſuis d’opinion qu’allors que par le vouloir du deſtin la ruyne de Rome aduiendra, les Citoyens combattront contre les Citoyens, & qu’ainſi leurs forces eſtans abbatuës de foibleſſe & de laſſitude, ils ſeront la proye de quelque Monarque, ou d’vn peuple eſtranger : Car autrement toutes les puiſ-

  1. avec leurs enfans.