Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/153

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LETTRE DU ROI MITHRIDATE AU ROI ARSACE (15).

Milhridate , obligé de quitter son royaume par suite des victoires de Lucullus, s’était réfugié eu Arménie auprès du roi Tigrane qui, sur ses instances, avait fait la guerre aux Kimiains et avait été également vaincu. C’est alors que l’alliance d’Arsace, roi des Parthes, fut recherchée par Lucullus d’un coté, et do l’autre par Mithridate et Tigrane. 11 parait qu’Arsace ne lut pas sans émotion la lettre de Mithridate : cependant il ne s’allia point avec les deui rois contre les Romains ; il se contenta de demeurer neutre.

Le roi Milhridate au roi Arsace , salut. Tous ceux qui , daus la prospérité, sont invités à concourir a une guerre, doivent considérer s’il leur est permis alors de conserver la paix ; ensuite, si ce qu’on leur demande est légitime, sûr, glorieux ou désbonorant. Si tu pouvais jouir d’une paix perpétuelle ; si tu n’avais pas sur tes frontières des ennemis exécrables , mais faciles à vaincre ; si tu ne devais pas, par la ruine des Romains , illustrer ton nom , je n’oserais pas réclamer ton alliance, et je me flatlerais vainement d’unir ma mauvaise fortune à ta prospérité. Toutefois, les raisons qui semblent pouvoir t’arrêter, le ressentiment qu’une guerre récente l’a inspiré contre Tigrane , et la position fàcbcuse où je suis , si tu veux bien apprécier les choses , sont précisément ce qui doit l’encourager. En effet, Tigrane qui est à ta merci , acceptera toute alliance que lu lui offriras : pourmoi, la forlunecpii m’a ravi taulde biens m’a du moins donné l’expérience avec laquelle on conseille sagement ; et , ce qui est désirable à un prince dont les affaires sont florissantes, je t’enseignerai , par cela même que je ne suis plus très-puissant , à te conduire ayec plus de prudence. Car pour les Romains, l’uuique et ancienne cause de faire la guerre à toutes les nations, à tous les peuples, à tous les rois, c’est un désir profond de la domination et des richesses. Voilà pourquoi ils ont d’abord pris les armes contre Philippe, roi de .Macédoine. Pendant qu’ils étaient pressés par les Carthaginois , tout en feignant de l’amitié pour Philippe ( 1 6), ils détachaient frauduleusement de lui Antiochus qui venait à son secours, en faisant ’a ce dernier des concessions en Asie ; et peu après, Philippe une fois asservi , Antiochus fut dépouillé de tontes ses possessions en-deç’a du mont Taurus , et de dix mille talents. Ensuite Persée, fils de Philippe, après des combats nombreux et divers, s’étant abandonné h leur foi , à la face des dieux de Samothrace , eux , pleins de ruse et grands inventeurs de perfidies, comme ils lui avaient promis la vie sauve par traité, ils le firent mourir d’insomnie. Eumène, dont ils vantent fastueusemenl l’amitié, ils avaient commencé par le livrer à Antiochus comme prix de la paix. Puis Allale, gardien d’un royaume qui ne lui appartenait plus , fut, "a force d’exactions et d’outrages, réduit par eux, de roi qu’il était , ’a la condition du plus misérable des esclaves ; et , après avoir supposé un testament impie , ils s’emparèrent de son fils Aristonicus, qui avait réclamé le trône paternel , et le traînèrent en triomphe comme on eût fait d’un ennemi. L’Asie a été assiégée par eux ; enfin , après la mort de Mcomède , ils ont envahi toute la Bilhynie, quoique l’existence d’un fils de Nusa, à qui ils avaient donné le titre de reine, ne pût être mise eu doute. Et moi , ai-je besoin de me citer ? Bien que je fusse de tous côtés séparé de leur