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VIE DE SALLUSTE.

portait sur ce que tous ceux qui, comme lui, aimaient l’état, l’aimaient aussi lui même. L’ordonnance portait de plus, que toutes sollicitations et attestations en faveur des accuses, qui par là échappaient souvent à la peine, étaient absolument prohibées ; que tout homme condamné précédemment pourrait même obtenir sa grâce, s’il en pouvait faire condamner deux autres ; et enfin que l’on ferait deux informations, l’une sur les brigues, l’autre sur les violences commises : celles-ci comprenaient le meurtre de Clodius, l’incendie du palais, et le pillage de la maison de Lépide. Torquatus fut nommé commissaire de l’une, Ænobarbus de l’autre.

Les partisans de Milon ne s’opposèrent pas d’abord à ces ordonnances qui, toutes redoutables qu’elles étaient pour lui, ne l’étaient pas moins pour ses adversaires. Mais Salluste, plus adroit, fit demander par Fusius qu’on eût à diviser le chef qui ordonnait l’information contre les violences ; et, dés que ce chef futdivisé, Munatius et lui formèrent opposition aux deux derniers articles. Alors Cœlius, autre tribun, toujours dévoué à Milon, déclara qu’il s’opposait en entier à la loi. Mais Pompée se mit en une telle colère contre Cœlius, jusqu’à le menacer de prendre les armes personnellement contre lui, qu’il fut obligé de se désister de son opposition. Celle de Salluste, au contraire, subsista jusqu’après le jugement de Milon, ainsi qu’on en peut juger par le plaidoyer de Cicéron, qui reproche même à Salluste de s’être fait payer bien cher pour former cette opposition.

Domitius et Torquatus travaillèrent dans le temps prescrit aux informations contre Milon. Il envoya ses amis au bureau de Torquatus, et se rendit en personne à celui de Domitius, où Cornificius s’écria, en s’adressant au sénat assemblé, que IMilon s’y trouvait avec une épée cachée sous ses habits. La dessus Milon se dépouilla nu, et fil voir que le fait était faux ; circonstance que Cicéron sut bien relever dans la suite, ainsi que la perquisition qu’on lit aussi sur les bruits qui couraient que Milon avait en divers endroits fait faire de grands amas d’aiines offensives et d’armures défensives ; qu’il en était venu un bateau chargé d’Oiricoli à Rome par le’J’ihre ; (pi’il n’y avait dans la ville aucune petite rue ou cul-de-sac dans les(|uels il n’cùl loué quelque maison ; ([u’il en avait rempli une de boucliers sur la colline du Capilole ; que toutes élaient pleines de Iciiches préparées pour mettre le feu ; faits qui se trouvèrent tous être faux. On débita aussi nn malin (|Me la nuit précédente on avait attaipié pendant plusieurs heures la maison de J. César ; mais personne du voisinage n’en avait rien oui dans ce quartier si habité, l’n cabarelier, nommé Licinius, logé près du trrand cirque, vint dire que des gens de Milon liaient venus boire chez lui ; que, s’élant pris de vin, ils avaient imorudemmenl parle entre eux de

tuer Pompée ; que, s’apercevant qu’il pouvait les avoir entendus, ils avaient voulu le tuer, de peur qu’il ne les décelât, et lui avaient porté un coup d’épée. Sur cet avis, Pompée manda Cicéron à i^on jaidin, et ensuite tout le.sénat. On lit venir le cabarelier, et le coup déliée qu’il avait reçu au cote se trouva être une egralignure faite avec une aiguille.

Les accusateurs de Milon furent les deux jeune.s Appius, les deux Valerius Népos, et les Herennius ffalbus, Marc-Antoine, Pétuleius, Cornificius et les trois tribuns. Ils demandèrent qu’on fit subir un interrogatoire aux domestiques de Milon et à ceux de Fausta sa femme. Ils posèrent en fait que l’assassinat de Clodius avait été commis de guet-apens ; que onze de ses domesticiues avaient été tués avec lui ; (pie Milon avait envoyé dans une métairie prèsd’Albe pour égorger un jeune enfant de Clodius qui y était ; que le fermier et deux esclaves avaient été tues eu voulant le défendre ; qu’un nommé Alicor, aulre domestique qui avait caché l’enfant, avait tté si cruellement tourmenté pour le découvrir, qu’on lui avait arraché It s jointures des doigts ; et enfin que Milon avait f.dl arrêter quatre citoyens romains qui passaient sur le grand chemin lors du meurtre de Clodius et les avait tenus renfermés pendant deux mois dans une de ses maisons de campagne. Ces derniers faits étaient contenus dans une deiionciaiion très vive donnée par Alélellus Scipiou. Par représailles, Cœlius demanda l’interrogatoire des gens del’homicide, et Manilius celui des domestiques d’IIyp.sœus et de Métellus. La faction de Clodius produisit pour preniitr témoin Cassinius Scliola, ce chevalier qui l’accompagnait au retour d’Aricie. Cet homme chargeait à tel point Milon, que celui-ci, de même ipie Marcellus et Cic(’ron qui l’assi.staient, n’aurait pas eu de peine à réfuter son témoignage, sans les clameurs de la populace, que les tribuns, [iartisans de Clodius, excitèrent lorsque Milon voidut répondre. Philemon, affranchi de Lépide, dépo, sa du fait des quatre citoyens romains passant sur le grand chemin lors du meurtre de Clodius, arrêtés par Milon, et tenus renfermés pendant deux mois dans une de ses maisons de campagne. On entendit ensuite plusieurs habitants de Bouvilles, (]tû racontèrent comment l’auberge de ce faubourg avait été forcée, le cabarelier massacré, et Clodius lire par violence de la maison. Les vestalesdépo.sèrentqu’nne femme inconnue était venue chez elles s’acquitter d’un vn-u fait par Milon, en expiation du meurtre de Clodius. Sempronia parut la dernière, tenant par la main sa fille Fulvie, veuve de Clodius. Ces deux fenunes n’épargnèrent ni les pleurs ni les gémissements pour émouvoir les spectateurs. On insista beaucoup sur ce que le meurtre de Clodius avait été commis sur la voie Appia, dont le peuple romain devait l’usage cl l’utilité aux ancêtres de Clodius.

Après qu’elles se furent retirées, Munatias reprit