Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

permettent pas que leurs enfants les abordent en public avant d’être adolescents et en état de porter les armes. Ils regardent comme honteux pour un père d’admettre publiquement en sa présence son fils en bas âge.

XIX. Autant les maris ont reçu d’argent de leurs épouses à titre de dot, autant ils mettent de leurs propres biens, après estimation faite, en communauté avec cette dot. On dresse conjointement un état de ce capital, et l’on en réserve les intérêts. Quelque époux qui survive, c’est à lui qu’appartient la part de l’un et de l’autre, avec les intérêts des années antérieures. Les hommes ont, sur leurs femmes comme sur leurs enfants, le droit de vie et de mort ; lorsqu’un père de famille d’une haute naissance vient à mourir, ses proches s’assemblent, et s’ils ont quelque soupçon sur sa mort, les femmes sont mises à la question comme des esclaves ; si le crime est prouvé, on les fait périr par le feu et dans les plus horribles tourments. Les funérailles, eu égard à la civilisation des Gaulois, sont magnifiques et somptueuses. Tout ce qu’on croit avoir été cher au défunt pendant sa vie, on le jette dans le bûcher, même les animaux ; et il y a peu de temps encore, on brûlait avec lui les esclaves et les clients qu’on savait qu’il avait aimés (8), pour complément des honneurs qu’on lui rendait.

XX. Dans les cités qui passent pour administrer le mieux les affaires de l’état, c’est une loi sacrée que celui qui apprend, soit de ses voisins, soit par le bruit public, quelque nouvelle intéressant la cité, doit en informer le magistrat, sans la communiquer à nul autre, l’expérience leur ayant fait connaître que souvent des hommes imprudents et sans lumières s’effraient de fausses rumeurs, se portent à des crimes et prennent des partis extrêmes. Les magistrats cachent ce qu’ils jugent convenable, et révèlent à la multitude ce qu’ils croient utile. C’est dans l’assemblée seulement qu’il est permis de s’entretenir des affaires publiques.

XXI. Les mœurs des Germains sont très différents ; car ils n’ont pas de druides qui président aux choses divines et ne font point de sacrifices. Ils ne mettent au nombre des dieux que ceux qu’ils voient et dont ils reçoivent manifestement les bienfaits, le Soleil, Vulcain, la Lune : ils ne connaissent pas même de nom les autres dieux. Toute leur vie se passe à la chasse et dans les exercices militaires ; ils se livrent dès l’enfance au travail et à la fatigue. Ils estiment singulièrement une puberté tardive ; ils pensent que cela accroît la stature de l’homme, nourrit sa vigueur, et fortifie ses muscles. C’est parmi eux une chose tout à fait honteuse que d’avoir connu les femmes avant l’âge de vingt ans ; ce qu’ils ne peuvent jamais cacher, car ils se baignent ensemble dans les fleuves, et se couvrent de peaux de rennes ou de vêtements courts, laissant à nu la plus grande partie de leur corps.

XXII. Ils ne s’adonnent pas à l’agriculture, et ne vivent guère que de lait, de fromage et de chair ; nul n’a de champs limités ni de terrain qui soit sa propriété ; mais les magistrats et les chefs assignent tous les ans aux peuplades et aux familles