Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/390

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ils pouvaient défendre les ouvrages qui en seraient voisins, ils commencèrent à construire, avec des poutres de deux pieds d’épaisseur, une galerie de soixante pieds de long, laquelle devait les mener de leur tour à celle de l’ennemi et au mur de la ville. Voici comment cet ouvrage fut exécuté. (2) On coucha d’abord sur le sol deux poutres d’égale longueur à quatre pieds de distance l’une de l’autre ; on fit entrer dans ces poutres des piliers de cinq pieds de haut ; on les lia ensemble au moyen de traverses un peu inclinées, afin qu’elles pussent porter les solives destinées à soutenir le toit de la galerie ; par-dessus on mit des poutres de deux pieds d’épaisseur, attachées avec des bandes et des chevilles de fer ; (4) enfin, au sommet du toit et sur ces dernières poutres, on cloua des lattes carrées, larges de quatre doigts, pour porter les briques que l’on mit dessus. (5) La galerie ainsi construite, et le toit formé de manière que les solives portaient sur les piliers, on recouvrit le tout de briques et de mortier, afin de n’avoir pas à craindre le feu qui serait lancé de la muraille ; (6) sur ces briques on étendit des cuirs pour empêcher l’eau, qui pouvait être dirigée par des conduits, de détremper le mortier ; et pour garantir ces cuirs eux-mêmes du feu et des pierres, on les revêtit de peaux de laine. (7) Tout cet ouvrage se fit au pied de la tour à l’abri des mantelets ; et soudain, lorsque les assiégés s’y attendaient le moins, à l’aide de pièces de bois dont on se sert pour lancer un navire à l’eau, la galerie fut poussée contre la tour des ennemis, jusqu’au pied de la ville.

Impuissance des Marseillais

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(1) Effrayés de cette manœuvre imprévue, les habitants font avancer, à force de leviers, les plus gros quartiers de roche et les roulent du haut de la muraille sur notre galerie. La solidité de la construction résiste à ces coups, et tout ce que l’on jette dessus tombe du toit par terre. (2) Voyant cela, ils changent de dessein ; ils allument des tonneaux remplis de poix et de goudron et les précipitent du haut de la muraille sur la galerie. Ces tonneaux roulent, et quand ils sont tombés par les côtés, on les écarte de notre ouvrage avec des perches et des fourches. (3) Cependant nos soldats, à couvert sous la galerie, travaillent à arracher, avec des leviers, les pierres qui soutiennent les fondements de la tour des ennemis. La galerie est défendue par les traits et les machines qui sont lancés de notre tour de briques ; les assiégés sont écartés de leur muraille et de leur tour ; on ne leur laisse pas la liberté de les défendre. (4) Enfin, un grand nombre des pierres qui supportaient la tour ayant été enlevées, une partie de cette tour s’écroule tout à coup. Le reste allait également tomber en ruines quand les ennemis, craignant le pillage de leur ville, sortent tous sans armes, la tête couverte de voiles, et tendent leurs mains suppliantes aux généraux et aux soldats.

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(1) À ce spectacle si nouveau, tout service de guerre est suspendu, et nos soldats cessent les hostilités, curieux d’aller voir et entendre ce dont il est question. (2) Dès que les ennemis furent arrivés vers les généraux et les troupes, ils se jetèrent à leurs pieds et les conjurèrent d’attendre l’arrivée de César. (3) Ils voyaient bien que leur ville ne pouvait pas manquer d’être prise puisque les travaux étaient achevés et leur tour renversée. Ils renonçaient donc à se défendre.