Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/454

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vie ; que c’était déjà une grande affaire pour eux que de soutenir de leurs retranchements les attaques de l’ennemi, et qu’en les quittant ils auraient tout à la fois l’infériorité du poste et celle du nombre ; qu’il faudrait beaucoup de temps et de peine pour passer dans les vaisseaux, surtout au sortir des chaloupes ; que les Alexandrins, au contraire, étaient d’une rare agilité et connaissaient parfaitement les lieux ; que ces hommes, dont le succès augmentait encore l’audace, gagneraient les devants, et s’empareraient des hauteurs et des maisons ; que, de là, ils s’opposeraient à notre retraite et à notre embarquement ; qu’il fallait donc renoncer à ce projet, et ne plus penser qu’à vaincre à tout prix. »

IX. Après avoir ainsi parlé aux soldats, et les avoir tous ranimés, César donne l’ordre aux centurions de tout quitter pour faire travailler bravement à creuser des puits, jour et nuit, sans relâche. Chacun s’y étant mis avec ardeur, on trouva en une seule nuit une grande quantité d’eau douce. Ainsi, en peu de temps et avec peu de travail, il fut paré au mal que ceux de la ville avaient tenté de nous faire par de longues machinations et avec les plus grandes peines. Deux jours après, la trente-septième légion, composée des soldats de Pompée qui avaient capitulé, et que Domitius Calvinus avait fait embarquer avec des vivres, des armes, des traits et des machines, aborda sur les côtes d’Afrique un peu au-dessus d’Alexandrie. Le vent d’orient, qui ne cessait de souffler depuis plusieurs jours, l’avait empêché de gagner le port ; mais toute cette côte est admirable pour les vaisseaux qui veulent rester à l’ancre. Cependant, comme les vents contraires la retinrent longtemps et qu’elle vint à manquer d’eau, elle dépêcha à César un vaisseau léger pour l’avertir de ce qui se passait.

X. César voulant voir par lui-même ce qu’il avait à faire, monta sur un navire et se fit suivre de toute sa flotte, sans toutefois emmener de troupes avec lui ; car devant s’éloigner à quelque distance, il ne voulait pas dégarnir ses retranchements. Étant arrivé au lieu que l’on appelle Chersonèse, et ayant mis à terre ses rameurs pour qu’ils fassent de l’eau, quelques-uns s’écartèrent trop loin des vaisseaux, dans le but de piller, et tombèrent entre les mains des cavaliers ennemis, lesquels surent par eux que César était venu avec sa flotte et n’avait aucun soldat dans ses vaisseaux. Sur cet avis, nos ennemis s’imaginèrent que la fortune leur offrait une occasion magnifique pour un coup décisif ; et en conséquence ils armèrent tous les vaisseaux qu’ils trouvèrent en état de faire voile et allèrent à la rencontre de César qui revenait avec sa flotte. Ce jour-là, il était décidé à ne pas combattre, pour deux motifs : il n’avait pas de soldats avec lui, et la dixième heure était déjà passée. Or, il considérait que la nuit donnerait plus de confiance à des hommes sûrs de la connaissance des lieux, tandis qu’elle lui ôterait à lui-même jusqu’à l’avantage d’exhorter les siens; car à quoi servent les exhortations là où le courage et la lâcheté doivent être également inconnus ? Par ce motif César fit ranger le plus de vaisseaux possible vers la côte, esti-