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Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/480

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de retarder nos travaux en nous obligeant à tenir plus de monde sous les armes, ou de nous faire voir que le roi ne comptait pas moins, pour défendre son poste, sur la valeur des siens que sur ses fortifications. Ainsi, sans s’étonner, il fit continuer les travaux par la plus grande partie de ses troupes, en mettant la première ligne en bataille devant ses retranchements. Mais Pharnace, soit qu’il fût encouragé par le bonheur de ce poste, ou animé par les auspices et les augures favorables, comme nous l’apprîmes dans la suite ; soit qu’il nous crût moins nombreux que nous n’étions et qu’il prît pour autant de soldats cette multitude de valets occupés au travail journalier de transporter des fascines ; soit encore qu’il fût plein de confiance dans ses vieilles troupes, qui, comme ses députés l’avaient dit avec jactance, avaient livré vingt-deux batailles et remporté autant de victoires ; soit enfin qu’il méprisât une armée que lui-même avait repoussée lorsqu’elle était conduite par Domitius, il résolut de combattre, et commença à descendre la montagne. À ce spectacle, César ne put s’empêcher de rire de cette vaine bravade, de ces troupes entassées dans un poste où jamais homme sage n’eût pensé à s’engager. Cependant Pharnace, descendu dans le vallon, commença à remonter du même pas la colline opposée avec ses troupes en bon ordre.

LXXV. César, frappé d’une témérité ou d’une audace si incroyable, se voyant attaqué au dépourvu, rappelle en même temps les soldats du travail, leur fait prendre les armes, place en avant les légions, range l’armée en bataille ; ce qui, dans la surprise, effraya les nôtres. Nos rangs ne sont pas encore bien formés, que déjà les chariots du roi, armés de faux, y portent le désordre ; mais bientôt nous les accablons sous une grêle de traits. Ces chariots étaient suivis de l’armée ennemie. Le combat s’engage avec de grands cris ; nous y fûmes heureusement servis par la disposition du terrain, et surtout par la protection des dieux immortels, qui ne se montre jamais mieux, à la guerre, que dans les occasions où la prudence ne peut rien.

LXXVI. Après une lutte animée et opiniâtre, l’aile droite, où était la sixième légion, composée de vétérans, commença la victoire, et culbuta les ennemis sur la pente du coteau. Beaucoup plus tard, mais toujours à l’aide de ces mêmes dieux, l’aile gauche et le centre défirent toutes les troupes du roi, lesquelles furent chassées de ce poste avec autant de promptitude et de facilité qu’elles en avaient mis à le gravir : le désavantage de la position aida à les accabler. Beaucoup de soldats furent tués, et beaucoup d’autres écrasés par les leurs dans la déroute ; et ceux qui purent se sauver en fuyant et regagner la hauteur, ayant jeté leurs armes dans la fuite, se trouvèrent sans défense. Quant aux nôtres, animés par le succès, ils n’hésitèrent pas à gravir ce coteau dangereux et à attaquer les retranchements. Comme ils n’étaient défendus que par les cohortes qu’y avait laissées Pharnace, le camp fut bientôt enlevé. Tout fut tué ou pris. Pour Pharnace, il s’enfuit avec quelques cavaliers ; et si l’attaque de son camp