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Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/490

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vraient leur flanc aux traits de l’infanterie numide, pendant que les cavaliers ennemis évitaient sans peine, en courant, nos javelots, César fit publier par tous les rangs que nul soldat n’eût à s’éloigner des enseignes de plus de quatre pieds. Cependant la cavalerie de Labiénus, comptant sur la supériorité du nombre, cherchait à envelopper celle de César, qui, peu nombreuse, harcelée par cette multitude d’ennemis, et ayant la plupart de ses chevaux blessés, commençait à plier, l’ennemi la pressant de plus en plus. En un moment toutes nos légions se trouvèrent enveloppées et furent réduites à se former en rond et à combattre fort à l’étroit.

XVI. Labiénus, à cheval et la tête nue, se tenait au premier rang, exhortait les siens, et parfois aussi s’adressait aux légionnaires de César : « Comment ! disait-il, soldat novice, tu fais bien le brave ! Il vous a donc tourné la tête à vous aussi avec ses harangues ? Certes, il vous a engagés ici dans un mauvais pas. Je vous plains. » « Tu te trompes, Labiénus, je ne suis pas un soldat novice, lui répondit un soldat, mais un vétéran de la dixième légion. » « Je n’en reconnais pas les enseignes, dit Labiénus. » « Eh bien ! reprit le soldat, tu vas me reconnaître ! » En même temps il jette bas son casque pour qu’il le reconnût, lui lance son javelot avec tant de vigueur qu’il s’enfonce dans le poitrail du cheval, et lui dit : « Labiénus, tu dois voir à présent que c’est bien un soldat de la dixième légion qui te frappe. » Toutefois, la consternation était dans les rangs et surtout parmi les nouveaux soldats : tous avaient les yeux tournés sur César, et ne faisaient plus que parer les coups de l’ennemi.

XVII. César, ayant pénétré le dessein de Labiénus, commande à son armée de s’étendre sur le plus grand front possible, et aux cohortes de faire face alternativement, afin que l’une après l’autre elles puissent charger l’ennemi. Par ce moyen il rompt le cercle dans lequel il est enveloppé, attaque avec la cavalerie et l’infanterie une moitié de la ligne ennemie, l’accable de traits et la met en déroute ; mais la crainte de quelque piège l’empêche de la poursuivre, et il retourne vers les siens. L’autre partie de la cavalerie et de l’infanterie de César fait de même. L’ennemi une fois repoussé au loin avec perte, César prit, dans le même ordre de bataille, le chemin de son camp (2).

XVIII. Sur ces entrefaites, M. Pétréius et Cn. Pison arrivèrent avec onze cents chevaux numides et une infanterie d’élite assez nombreuse qu’ils amenaient au secours de Labiénus. Les ennemis sont rassurés et ranimés par ce renfort : leur cavalerie tourne bride, charge nos légions qui se retiraient, et veut les empêcher de regagner le camp. César, voyant cela, fait tourner tête à ses légions, et recommence le combat au milieu de la plaine. Mais, comme l’ennemi recommençait toujours le même genre d’attaque sans en venir aux mains, et que nos chevaux, en petit nombre, encore fatigués de la mer, accablés de soif, de