Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/501

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l’envoya à Scipion. De même, un autre bâtiment à trois rangs de rames, qui faisait partie de la même flotte, ayant été séparé des autres, fut poussé par la tempête au port d’Égimure, où il fut pris également par la flotte de Varus et de M. Octavius : il portait, avec un centurion, quelques soldats vétérans et quelques autres de nouvelle levée, que Varus envoya aussi à Scipion sous bonne escorte, sans leur avoir fait aucune insulte. Amenés vers lui et devant son tribunal : « Je sais, leur dit-il, que ce n’est pas de vous-mêmes, mais par force et par le commandement criminel de votre général, que vous persécutez indignement les bons et honnêtes citoyens. Maintenant que la fortune vous a mis en mon pouvoir, si vous êtes dans l’intention de défendre, comme vous le devez, la république et la bonne cause, mon dessein est de vous donner la vie et de l’argent. Parlez, faites connaître votre résolution. »

XLV. Après ce discours, Scipion, ne doutant pas qu’ils ne lui rendissent grâces de ses bienfaits, leur permit de s’expliquer. Alors un centurion de la quatorzième légion : « Je te remercie, lui dit-il, Scipion, car je ne puis t’appeler général, de ce qu’étant ton prisonnier par le droit de la guerre, tu veux bien me promettre la vie et la liberté. Peut-être profiterais-je de cette faveur et de tes offres, si un grand crime n’y était attaché. Comment pourrais-je porter les armes contre César, mon général, sous qui j’ai commandé, et contre son armée pour l’honneur et la gloire de laquelle j’ai servi plus de trente-six ans ? Je ne le ferai point, et je t’engage fort à renoncer toi-même à me faire changer. Si tu ne sais pas encore par expérience à quelles troupes tu as affaire, tu peux l’apprendre à l’instant. Choisis celle de tes cohortes que tu regardes comme la plus brave, et place-la devant moi ; je ne prendrai que dix de mes compagnons qui sont ici prisonniers ; et alors, tu comprendras à notre valeur ce que tu dois attendre de tes troupes. »

XLVI. Après que le centurion eut ainsi parlé avec un grand sang-froid, contre l’attente de Scipion, celui-ci, irrité et plein de dépit, fait un signe à ses centurions, et ce brave est aussitôt massacré en sa présence. Ensuite il ordonne que le reste des vétérans soient séparés des nouveaux soldats : « Otez de mes yeux, dit-il, ces hommes souillés du plus horrible crime, et engraissés du sang des citoyens. » Aussitôt on les emmena hors du rempart, et on les égorgea cruellement. Quant aux recrues, elles furent réparties entre ses légions ; et il fit défendre à Cominius et à Ticida de jamais paraître en sa présence. Touché de ce malheur, César punit les commandants de galères qu’il avait laissées à la rade devant Thapsus pour protéger les vaisseaux de transport : il les renvoya ignominieusement de l’armée pour leur négligence, et prononça contre eux l’édit le plus sévère.

XLVII. À peu près dans le même temps il arriva à l’armée de César un accident inouï et presque incroyable. En effet, après le coucher des Pléiades, vers la seconde veille, il s’éleva tout à coup un