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Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/511

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revenaient en troupe à la charge, nous suivant dans notre marche et accablant nos légions d’une grêle de traits. Ainsi, tantôt marchant, tantôt combattant, César, qui n’avançait qu’avec peine, arriva enfin au camp vers la première heure de la nuit, sans avoir perdu un seul homme et n’ayant eu que dix blessés. Labiénus eut environ trois cents hommes de tués, un grand nombre de blessés, et se retira avec ses troupes harassées. Scipion, qui était demeuré en bataille à la tête de son camp avec ses éléphants pour inspirer plus de terreur, fit aussi rentrer ses troupes.

LXXI. César, pour former ses troupes à combattre cette nouvelle espèce d’ennemis, était obligé de s’y prendre, non comme un général qui commande une armée aguerrie et victorieuse, mais comme un maître d’escrime qui dresse ses gladiateurs novices. Il leur apprenait comment elles devaient se garantir de l’ennemi ; comment elles devaient se présenter à lui et lui résister suivant l’étendue du terrain ; comment elles devaient tantôt avancer, tantôt reculer, tantôt feindre une attaque ; enfin il leur enseignait presque où et comment il fallait lancer le javelot. En effet, les troupes légères de l’ennemi embarrassaient et inquiétaient beaucoup notre armée. Nos cavaliers avaient peur de les aborder, parce qu’elles tuaient leurs chevaux à coups de traits ; et quand nos légionnaires les poursuivaient, leur agilité les avait bientôt lassés. Lorsque nos soldats pesamment armés s’arrêtaient pour repousser leur attaque, elles échappaient au danger par une fuite rapide.

LXXII. César était fort chagrin de cet état de choses, parce que, toutes les fois que sa cavalerie en venait aux mains sans être appuyée par les légionnaires, elle ne pouvait tenir contre celle des ennemis ni contre leurs troupes légères. Cela le tourmentait d’autant plus qu’il n’avait pas encore eu lieu d’éprouver leurs légions, et qu’il ne voyait pas comment il pourrait leur résister quand elles se joindraient à cette cavalerie et à cette infanterie légère qui était admirable. Un autre sujet d’inquiétude pour lui, c’est que la taille et la multitude des éléphants épouvantaient le soldat : mais à cela il avait trouvé un remède. Il avait fait venir d’Italie des éléphants, afin que nos soldats, en les voyant de près, apprissent à connaître la force et le courage de ces animaux, et la partie de leur corps où il fallait frapper ; et qu’en les considérant armés et bardés, ils remarquassent la partie du corps qui restait nue. et sur laquelle ils devaient lancer leurs traits. Il voulait aussi par là accoutumer les chevaux à leur odeur, à leur cri, à leur figure, afin qu’ils n’en eussent point peur. Ce moyen lui avait admirablement réussi ; car ses soldats touchaient de la main ces animaux et en connaissaient la lenteur ; les cavaliers s’exerçaient à lancer contre eux des javelots émoussés, et grâce à leur patience, les chevaux s’étaient familiarisés avec eux.

LXXIII. César était devenu, par les motifs que j’ai dits, plus lent et plus circonspect, et il avait