Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/646

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Véies était alors ; qui se rappelle aujourd’hui qu’elle ait existé ? Quels débris en reste-t-il ? Quel vestige ? Il faut toute l’autorité des annales pour nous persuader qu’il y eut une ville de Véies (66).

XIII. — Guerre contre les Gaulois. — (An de Rome 364 - 369). — Alors, soit jalousie des dieux, soit arrêt du destin, le cours rapide des conquêtes de Rome fut un instant interrompu par une incursion des Gaulois Sénonais. Je ne sais si cette époque fut plus funeste aux Romains, par leurs désastres, que glorieuse par les épreuves où elle mit leurs vertus. Telle fut du moins la grandeur de leurs maux, que je les croirais envoyés par les dieux immortels, pour éprouver si la vertu romaine méritait l’empire du monde.

Les Gaulois Sénonais, nation d’un naturel farouche, et de mœurs grossières, étaient par leur taille gigantesque, ainsi que par leurs armes énormes, si effrayants de toute manière, qu’ils semblaient nés uniquement pour l’extermination des hommes et la destruction des villes. Parties autrefois des extrémités de la terre et des rivages de l’Océan, qui ceint l’univers, leurs innombrables hordes, après avoir tout dévasté sur leur passage, s’étaient établies entre les Alpes et le Pô (67) ; et, non contents de ces conquêtes, ils se promenaient dans l’Italie. Ils assiégeaient alors Clusium[1]. Le peuple romain intervint en faveur de ses alliés et de ses amis (68). Il envoya des ambassadeurs, selon l’usage. Mais quelle justice attendre des Barbares (69) ? ils se montrent plus arrogants : ils se tournent. contre nous, et la guerre s’allume. Dès lors, abandonnant Clusium, ils marchent sur Rome jusqu’au fleuve Allia[2], où le consul Fabius les arrête avec une armée. Aucune défaite ne fut, sans contredit, plus horrible. Aussi Rome, dans ses fastes, plaça-t-elle cette journée au nombre des jours funestes. Les Gaulois, après la déroute de notre armée, approchaient déjà des murs de la ville. Elle était sans défense. C’est alors, ou jamais, qu’éclata le courage romain. D’abord les vieillards qui avaient été élevés aux premiers honneurs se rassemblèrent dans le Forum. Là, tandis que le pontife prononcait les solennelles imprécations, ils se dévouèrent aux dieux Mânes (70) ; et, de retour dans leurs demeures, revêtus de la robe magistrale et des ornements les plus pompeux, ils se placèrent sur leurs chaises curules, voulant, lorsque viendrait l’ennemi, mourir dans toute leur dignité. Les pontifes et les flamines enlèvent tout ce que les temples renferment de plus révéré ; ils en cachent une partie dans des tonneaux qu’ils enfouissent sous terre, et, chargeant le reste sur des chariots, ils le transportent loin de la ville. Les vierges attachées an sacerdoce de Vesta accompagnent, pieds nus, la fuite des objets sacrés. On dit cependant que ce cortége fugitif fut recueilli par un plébéien, Lucius Albinus, qui fit descendre de son chariot sa femme et ses enfants, pour y placer les prêtresses; tant il est vrai que, même dans les dernières extrémités, la religion publique l’emportait alors sur les affections particulières. Quant à la jeunesse, qui, on le sait, se composait à peine de mille hommes, elle se retrancha, sous la conduite de Manlius, dans la

  1. Aujourd’hui Chinsi ; les Clusiens occupaient une partie du territoire de Sienne et d’Orvietto.
  2. Petite rivière qui prend sa source dans la Sabine et se jette dans le Tibre, à trois lieues de Rome.