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Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/647

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citadelle du mont Capitolin ; et là, comme en présence de Jupiter, ils le conjurèrent « puisqu’ils s’étaient réunis pour défendre son temple, d’accorder à leur valeur l’appui de sa diviriité. »

Cependant les Gaulois arrivent ; la ville était ouverte ; ils pénètrent en tremblant d’abord, de peur de quelque embûche secrète ; bientôt, ne voyant qu’une solitude, ils s’élancent avec des cris aussi terribles que leur impétuosité, et se répandent de tous côtés dans les maisons ouvertes. Assis sur leurs chaises curules et revêtus de la prétexte, les vieillards leur semblent des dieux et des génies, et ils se prosternent devant eux ; bientôt, reconnaissant que ce sont des hommes, qui d’ailleurs ne daignent pas leur répondre, ils les immolent avec cruauté, embrasent les maisons ; et, la flamme et le fer à la main, ils mettent la ville au niveau du sol. Pendant six mois, qui le croirait ? Les Barbares restèrent comme suspendus autour d’un seul roc, faisant le jour, la nuit même, de nombreuses tentatives pour l’emporter. Une nuit enfin qu’ils y pénétraient, Manlius, éveillé par les cris d’une oie, les rejeta du haut du rocher ; et, afin de leur ôter tout espoir par une apparente confiance, il lança, malgré l’extrême disette, des pains par dessus les murs de la citadelle. Il fit même, dans un jour consacré, sortir du Capitole, à travers les gardes ennemis, le pontife Fabius, qui avait un sacrifice solennel à faire sur le mont Quirinal. Fabius revint sans blessure au milieu des traits des ennemis, sous la protection divine et il annonça que les dieux étaient propices.

Fatigués enfin de la longueur du siège, les Barbares nous vendent leur retraite au prix de mille livres d’or ; ils ont même l’insolence d’ajouter encore à de faux poids celui d’une épée ; puis, comme ils répétaient dans leur orgueil : « Malheur aux vaincus ! » soudain Camille les attaque par derrière, et en fait un tel carnage qu’il efface dans des torrents de sang gaulois toutes les traces de l’incendie. Grâces soient rendues aux dieux immortels, même pour cet affreux désastre. Sous ce feu disparurent les cabanes de pasteurs ; sous la flamme, la pauvreté de Romulus. Cet embrasement d’une cité, le domicile prédestiné des hommes et des dieux, eut-il un autre résultat que de la montrer non pas détruite, non pas ruinée, mais plutôt purifiée et consacrée ?

Ainsi donc, sauvée par Manlius et rétablie par Camille, Rome se releva plus fière et plus terrible pour ses voisins. Et d’abord, c’était peu d’avoir chassé de la ville cette race de Gaulois. ; les voyant encore traîner par toute l’Italie les vastes débris de leur naufrage, les Romains les poursuivirent si vivement, sous la conduite de Camille, qu’il ne reste plus aujourd’hui aucun vestige des Sénonais. On les massacra une première fois près de l’Anio, où Manlius, dans un combat singulier contre un de ces Barbares, lui arracha, entre autres dépouilles, un collier d’or : de là le nom de Torquatus. Ils furent encore défaits aux champs Pomptins[1] ; là, dans un semblable combat, Lucius Valérius, secondé par un oiseau sacré[2] qui s’attacha au casque du Gaulois, conquit les dépouilles de son ennemi et le surnom de Corvinus. Enfin, quelques années après, les derniers restes

  1. Ainsi nommés à cause du voisinage de Suessa Pométia, ville des Volsques.
  2. Sacré, parce qu’on tirait des augures du vol de cet oiseau (le corbeau).