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Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/696

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quèrent alors des boucliers d’osier grossièrement recouverts de peaux de bêtes ; du fer de leurs chaînes, remis au feu, ils firent des épées et des traits. Enfin, pour qu’il ne leur manquât rien de l’appareil des troupes les mieux réglées, ils se saisirent des chevaux qu’ils trouvèrent, en composèrent leur cavalerie, et donnèrent à leur chef les ornements et les faisceaux pris sur nos préteurs. Spartacus ne les refusa pas, lui qui, de Thrace, mercenaire, était devenu soldat, de soldat déserteur, puis brigand, enfin gladiateur, en considération de sa force. Il célébra les funérailles de ceux de ses lieutenants qui étaient morts dans les combats, avec la pompe consacrée aux obsèques des généraux et força les prisonniers à combattre armés autour de leur bûcher, comme s’il eût cru effacer entièrement son infamie passée en donnant des jeux de gladiateurs, après avoir cessé de l’être. Osant dès lors attaquer des armées consulaires, il tailla en pièces sur l’Apennin celle de Lentulus. Il ravagea, près de Modène, le camp de Caius Cassius. Fier de ces victoires, il délibéra, et c’en est assez pour notre honte, s’il marcherait sur la ville de Rome.

Enfin on soulève contre un vil gladiateur toutes les forces de l’empire, et Licinius Crassus efface la honte du nom romain. Les ennemis (je rougis de leur donner ce nom), dissipés et mis en fuite par ce général, se réfugièrent à l’extrémité de l’Italie. Là, se voyant enfermés, resserrés dans le Bruttium, ils se préparèrent à s’enfuir en Sicile, et, faute de navires, ils tentèrent vainement, sur des radeaux formés de claies et de tonneaux liés avec de l’osier, le passage de ce détroit aux eaux si rapides. Alors ils tombèrent sur les Romains et trouvèrent une mort digne d’hommes de cœur ; ainsi qu’il convenait aux soldats d’un gladiateur, ils combattirent sans demander quartier. Spartacus, après leur avoir lui-même donné l’exemple du courage, périt à leur tête, comme un général d’armée.

XXII. — Guerre civile de Marius. — (An de Rome 665-674.) — Il ne manquait plus aux maux du peuple romain que de tirer contre lui-même, dans ses propres foyers, un fer parricide, et de faire de la ville et du Forum comme une arène où les citoyens, armés contre les citoyens, s’égorgeaient ainsi que des gladiateurs. J’en serais moins indigné, toutefois, si des chefs plébéiens, ou du moins des nobles méprisables, eussent dirigé ces manœuvres criminelles. Mais, ô forfait ! ce furent Marius et Sylla, quels hommes ! quels généraux ! la gloire et l’ornement de leur siècle, qui prêtèrent l’éclat de leur nom à cet horrible attentat.

L’influence de trois astres différents souleva ces tempêtes, si je puis m’exprimer ainsi. Ce fut d’abord une légère et faible agitation, un tumulte plutôt qu’une guerre, la barbarie des chefs ne s’exerçant encore que contre eux-mêmes. Bientôt plus cruelle et plus sanglante, la victoire déchira les entrailles du sénat tout entier. Enfin le rage qui anime non seulement les partis mais des ennemis acharnés, fut surpassée dans cette lutte, où la fureur se fit un appui des forces de toute l’Italie ; et la haine ne cessa d’immoler que lorsqu’elle manqua de victimes.

L’origine et la cause de cette guerre furent cette soif insatiable d’honneurs qui poussa Marius à solliciter, en vertu de la loi Sulpicia, la province