Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/697

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échue à Sylla. Celui-ci, impatient de venger cet outrage, ramène aussitôt ses légions ; et, suspendant la guerre contre Mithridate, il fait entrer dans Rome, par les portes Esquiline et Colline, son armée partagée en deux corps. Sulpicius et Albinovanus lui opposent de concert quelques troupes ; on lui lance de toutes parts, du haut des murailles, des pieux, des pierres et des traits ; les mêmes armes et l’incendie lui ouvrent un passage ; et le Capitole, cette citadelle qui avait échappé aux mains des Carthaginois et des Gaulois Sénonais, reçoit un vainqueur dans ses murs captifs. Alors un sénatus-consulte déclare les adversaires de Sylla ennemis de la république, et le tribun Sulpicius, qui était resté à Rome, est juridiquement immolé, avec d’autres citoyens de la même faction. Marius s’enfuit sous un habit d’esclave ; la fortune le réserva pour une autre guerre.

Sous le consulat de Cornélius Cinna et de Cnaeus Octavius, l’incendie mal éteint se ralluma par la dissension même des deux consuls, au sujet d’une loi proposée au peuple pour le rappel de ceux que le sénat avait déclarés ennemis publics. L’assemblée avait même été investie par des soldats armés ; mais, vaincu par ceux qui voulaient la paix et le repos, Cinna s’enfuit de Rome et rejoignit ses partisans. Marius revient d’Afrique, plus grand par sa disgrâce : sa prison, ses chaînes, sa fuite, son exil avaient donné à sa dignité quelque chose de terrible. Au seul nom d’un si grand capitaine, on accourt de toutes parts. O crime ! on arme les esclaves, on ouvre les prisons, et le malheur de ce général lui donne bientôt une armée. Ainsi, revendiquant par la force sa patrie d’où la force l’avait chassé, sa conduite pouvait paraître légitime, s’il n’eût souillé sa cause par sa cruauté.

Mais il revenait ulcéré contre les dieux et les hommes. Ostie, la cliente et la nourrice de Rome, est la première victime de sa fureur ; il la livre au meurtre et au pillage. Quatre armées entrent bientôt dans Rome ; Cinna, Marius, Carbon, Sertorius avaient divisé leurs forces. A peine toute la troupe d’Octavius est-elle chassée du Janicule, que le signal est donné pour le massacre des principaux citoyens, et les vengeances sont plus cruelles que si on les eût exercées dans une ville de Carthaginois ou de Cimbres. La tête du consul Octavius est exposée sur la tribune aux harangues ; celle du consulaire Antoine sur la table même de Marius. Les deux César sont massacrés par Fimbria, au milieu de leurs dieux domestiques ; les deux Crassus, père et fils, sous les yeux l’un de l’autre. Les crocs des bourreaux servent à traîner, par la place publique, Baebius et Numitorius. Catulus respire la vapeur de charbons enflammés, pour se dérober aux insultes de ses ennemis. Mérula, flamine de Jupiter, se coupe les veines dans le Capitole, et son sang rejaillit jusque sur la face du dieu. Ancharius est percé de coups à la vue même de Marius, qui ne lui avait pas présenté, pour répondre à son salut, cette main dont le geste était un arrêt (30). C’est par le meurtre de tant de sénateurs que Marius, alors revêtu pour la septième fois de la pourpre, remplit l’intervalle des calendes aux ides du mois de janvier. Qu’aurait-ce été s’il eût achevé son année consulaire ?