Page:Salluste - Traduction de Jean-Henri Dotteville, 1775, 4e édition.djvu/146

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l’âge, l’éloquence & la nobleſſe du ſang. Leur grandeur d’ame étoit égale, auſſi-bien que leur gloire ; mais ils tiroient celle-ci chacun d’une ſource dif‍férente. Céſar s’étoit fait un grand nom par ſes bienfaits & par ſa généroſité ; Caton, par l’innocence de ſes mœurs. L’un s’attira de la réputation par ſe douceur & ſa clémence ; l’autre, du reſpect par ſa ſévérité. On louoit Céſar, parce qu’il donnoit, ſoulageoit les malheureux, & pardonnoit ; & Caton, parce qu’il ne faiſoit aucune grace[1]. L’un étoit le refuge des infortunés ;

  1. Nihil largiendo, id ef‍t, nec benef‍icia, nec auxilium, nec veniam, par oppoſition à la conduite de Céſar, dando, ſublevando, ignoſcendo ; car, ſi on y prend garde, ce parallele ef‍t tout en antitheſe. Caton étoit Stoïcien, non ſeulement en ſpéculation, mais en pratique. Il mettoit la compaſſion au rang des foibleſſes, & pratiquoit la vertu dans ſa plus grande auf‍térité. Cette voideur de caractere, dans une République où les mœurs tendoient à un trop grand relâchement, peut mériter au moins autant d’éloges que les profuſions intéreſſés & la molle indulgence de Céſar. Quoi qu’il en ſoit, voici la Note des Journalif‍tes de Trévoux, pag. 978―« Largiendo ne ſeroit-il pas mieux renda ſi l’on diſoit, parce qu’il ne faiſoit aucune largeſſe ? C’ef‍t bien une vertu de ne faire aucune libéralité au Peuple, pour gagner ſes ſuf‍frages ; au lieu que de ne faire jamais grace à perſonne, c’ef‍t un défaut ; ce n’ef‍t guere du moins la matiere d’un éloge ».