Page:Salluste - Traduction de Jean-Henri Dotteville, 1775, 4e édition.djvu/35

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ge[1]. Culture des terres, navigation, édif‍ice, tout ef‍t du reſſort de l’eſprit. Cependant la plupart des hommes[2], plongés dans les plaiſirs & la nonchalance, ſans ſcience & ſans éducation[3], ont paſſé dans ce monde comme font les voyageurs dans les pays qu’il traverſent. Contre l’ordre de la Natu-

  1. Ad optumum quemque. Optimus ne ſignif‍ie pas ici celui qui a le plus de bonté morale, c’ef‍t-à-dire, qui agit le plus conformément aux loix éternelles du bien & du mal, mais ſimplement celui qui a le plus de talent. Charles I, Roi d’Angleterre, étoit certainement plus honnête homme que Cromvvel ; & S. Louis, que le Soudan d’Égypte. Les forces du corps manquerent à S. Louis, lorſque la maladie ſe mit dans ſon armée ; celles du génie, à Charles I ; l’un & l’autre ſuccomberent.
  2. J’avois mis la pluparte dans les Editions précédentes ; j’ai ajouté des hommes dans celle-ci, ſur l’avis de MM. les Auteurs du Journal des Savants, qui ne veulent pars que la plupart ſe mette jamais ſeul. Ce même endroit a occaſionné deux autres cenſures que ja tranſcriſici : « 1°. Multi mortales ne ſignif‍ie point la plupart des hommes ; c’ef‍t enf‍ler la penſée de l’original. 2°. Ils ont regardé le corps comme l’unique inf‍trument des plaiſirs—quibus profectò. . . corpus voluptati. . . fuit, c’ef‍t-à-dire, qu’ils n’ont fait de leur corps qu’un inf‍trument de plaiſir, mais non pas qu’ils en ont fait l’unique inf‍trument ». Voici ma réponſe. 1°. J’ai rendu multi mortales par la plupart des hommes, ſur l’autorité de M Fronton, citée avec applaudiſſement par Aulu-Gelle, l. 13. c. 28. Après avoir dit que multi mortales s’emploie trèſ-élégamment, in ſignif‍icandâ propè totius Civitatis multitudine, il ajoute quelques lignes plus bas : « Multi mortales, neſcio quo pacto & ſenſu quodam inenarrabili, omne ferè genus quod in Civitate ef‍t, & ordinum & ætatium & ſexûs comprehendunt ». L’autorité de deux Romains. 2°. Tous nos plaiſirs nous viennent du corps ou de l’ame ; en ref‍te-t-il d’autres que ceux du corps, à quiconque regarde l’ame comme un fardeau onéreux ? quibus anima oneri fuit.
  3. Cette expreſſion, dans l’eſprit de bien des gens, fera naître l’idée d’un homme qui ne fait ni faire la révérance, ni préſenter la main aux Dames. Ce n’ef‍t certainement pas ce que je veux dire.