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Page:Salomon Reinach, Sidonie ou le français sans peine, 1913.djvu/21

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Dans l’alexandrin de la tragédie, on a toujours des séries de rimes alternées. Exemple (c’est Titus qui parle à Bérénice) :

N’accablez point, madame, un prince malheureux ; Il ne faut point ici nous attendrir tous deux. Un trouble assez cruel m’’agite et me dévore, Sans que des pleurs si chers me déchirent encore.[1]

Voici maintenant des rimes croisées de Lamartine. Le quatrième vers de ce groupe (qu’on appelle une strophe) n’a que six syllabes ; il pourrait en avoir huit, dix ou douze :

Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;

On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,

Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes flots harmonieux ?[2]

Il ne suffit pas, en général, que deux mots riment par les voyelles qui les terminent ; il faut encore que la consonne d’appui soit identique, surtout lorsque la voyelle est un e fermé. Ainsi, idée rime très mal avec fâchée, bien que Musset se soit permis cette licence ; mais idée rime bien avec cédée et très bien avec vidée. °

S’il n’y avait pas de rimes, notre oreille ne sentirait pas assez la fin du vers ; en grec et en latin, où la

  1. Racine, Bérénice, iv. 5.
  2. Lamartine, Le Lac (dans le recueil intitulé Premières Méditations poétiques).