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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN

de ce visage le soulevait irrésistiblement.

― Comment s’appelaient tes sœurs ? demanda-t-il au bout d’un moment.

― La première avait nom Véronique, la deuxième, Crucifixa ; et la troisième, cette enfant, qui joue là près de nous, s’appelle Fleur-de-la-Mer. Véronique mourut d’abord. Un dimanche de Fête-Dieu, comme elle s’était éloignée des serviteurs pour cueillir des fleurs qu’elle voulait jeter sur le passage de la procession, elle s’aventura trop près de l’étang, glissa dans les herbes et se noya ; le lendemain, elle fut retrouvée par des pêcheurs, flottant dans sa robe blanche, très loin, près de la mer où l’avait entraînée le courant. Ma mère, depuis ce jour, fit murer toutes les fenêtres du château d’où l’on pouvait apercevoir l’étang ; car la vue seule de l’eau la faisait trembler de tous ses membres, comme quand on est saisi par un grand froid.

― Et ta sœur Crucifixa, comment mourut-elle ?