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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN


Un jour, Angisèle lui montra les chambres de ses sœurs mortes. Rien n’y avait été changé. Les fenêtres seulement étaient closes et ne laissaient passer qu’un faible jour. Dans la chambre de Crucifixa, une robe de mousseline rose à fleurs d’argent était jetée en travers du lit, un métier penchait son canevas près de la fenêtre, l’aiguille piquée sur une fleur inachevée. Dans celle de Véronique, des poupées traînaient à terre près d’un livre d’images aux bas de page écornés. Puis Angisèle poussa une porte et s’agenouilla. C’était la chambre de sa mère. Ici, l’ombre était plus profonde. Rien n’attendrissait les murailles nues, où se dressait seul un grand crucifix d’argent. Deux colliers de perles, semblables à celui que portait Fleur-de-la-Mer, étaient accrochés aux pieds du Christ. Et comme Rovère les regardait, étonné :

― Ce sont les colliers de mes sœurs, dit Angisèle. Ils furent placés là par ma mère, pour qu’aux pieds de Celui à qui elle offrait