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CONTES

ses bras, sentait des sources vives jaillir dans son cœur. Une nuit, ils veillèrent ensemble un mort. C’était un pauvre pêcheur qu’Angisèle secourait depuis de longs mois et qui venait de succomber à la maladie. Dans la pauvre chambre, la flamme des chandeliers projetait sur la muraille l’ombre agrandie du profil rigide. Au pied d’un crucifix, un rameau de buis trempait dans un verre.

Au dehors, la nuit était douce et profonde ; dans le cadre de la fenêtre ouverte des étoiles brillaient ; une grande paix flottait sur la plaine, et, dans les ténèbres, on entendait venir la mer.

Rovère n’avait pas encore contemplé la mort. De l’humble visage, solennisé par l’éternel repos, une révélation sortait. Immobile, les yeux fixes, Rovère s’abîmait dans ses pensées et, peu à peu, il lui semblait descendre dans les cryptes mêmes de sa conscience. Là, à ces profondeurs où n’arrivait plus aucun bruit de la terre, il songeait, les sens soudain