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Page:Samain - Œuvres, t3, 1921.djvu/168

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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN

poussée de sentiments longtemps contenue :

― Ah ! Rovère, s’écria-t-elle, pourquoi ai-je vécu dans ce sombre pays, alors qu’ailleurs tout est joie et clarté ! Ici, je n’ai appris que la mort.

― Ne dis point de mal de ton pays, répondit Rovère ; c’est à lui, c’est à sa tristesse que ton âme doit son incomparable beauté.

― Il n’y a de beauté que dans la vie et dans la lumière, et mon âme, à moi, a vécu dans un sépulcre.

― N’est-ce point ainsi justement que, repliée toute sur elle-même, elle a connu cette exaltation intérieure, ces ivresses de sacrifice, ces ferveurs, ces extases, ces anéantissements qui dépassent mille fois toutes les voluptés de la terre ?

Angisèle secoua la tête et répondit lentement :

― Je le croyais avant de t’avoir connu, mais je me trompais : rien ne dépasse l’amour.

Ils restèrent un moment silencieux.