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Page:Samain - Œuvres, t3, 1921.djvu/66

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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN

Pas un seul jour elle n’avait cessé d’y penser. Dans le fond de son âme, elle avait édifié une sorte d’oratoire confidentiel, où elle se renfermait de longues heures, livrée aux consumantes jouissances de l’espérance. Nul ne soupçonnait ce mystère de tendresse qu’elle gardait jalousement, et c’était là une délectation dont son cœur, en grandissant, goûtait de plus en plus l’anormal raffinement.

Quand elle se retrouva vis-à-vis du jeune homme, elle se sentit jusqu’au cœur un froid de paralysie, et ce fut une petite main inerte et décolorée de morte qu’elle lui tendit. Hélas ! cette minute, qu’elle avait tant vécue d’avance, n’allait-elle lui apporter qu’une affreuse déception ?

Maurice la prit, cette petite main ; et, dans la pression amicalement indifférente de ses doigts, il laissa trop voir qu’il ne se souvenait plus du passé.

Divine, atterrée d’abord, essaya, les jours qui suivirent, de reprendre un peu de sang-