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Page:Samain - Œuvres, t3, 1921.djvu/67

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CONTES

froid. Après tout, Maurice était libre encore ; et il ne lui était pas interdit de chercher si vraiment plus rien d’elle ne restait dans son cœur ; mais chaque fois qu’elle creusait cette pensée, à un certain moment tout son sang se glaçait et elle voyait avec une affreuse netteté qu’elle mourrait plutôt que de desserrer les lèvres.

Elle passa ainsi des semaines, secouée jusqu’aux fibres de crises convulsives, qui la jetaient tour à tour aux résolutions les plus contradictoires. Elle ramassait tout son courage, se fortifiait de certains indices favorables, d’une parole ou d’un sourire où elle retrouvait un peu de l’ancienne douceur ; puis, l’instant d’après, reculait, effarée, devant l’insurmontable répulsion de trahir, fût-ce par un geste, la pensée dont elle était pleine.

Sur ces entrefaites, le père d’une de ses amies, Lydie Morin, qui avait une importante usine à quelques lieues de là, invitait