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CONTES

à un don perpétuel d’elle-même ; tout lui était prétexte à s’immoler; et elle le faisait de façon à s’enlever même le bénéfice de la plus minime reconnaissance. Au reste, en agissant ainsi, cette âme étrangement repliée ne se trompait point ; de degré en degré, par un déplacement, par une perversion admirable de sa personnalité, elle était arrivée à transposer sa vie dans les autres. Nulle joie directe ne l’affectait plus ; elle ne semblait plus vivre pour son compte, mais s’alimenter exclusivement du bonheur des êtres autour d’elle ; et sa sensibilité, toujours aussi vive, mais en quelque sorte désincarnée, était devenue toute spirituelle. Âme discrète et passionnée, dont une évolution constante subtilisait ainsi chaque jour les principes ! Elle était bien, d’ailleurs, toujours la même qu’autrefois, et s’il arrivait à l’abbé Pascal, son directeur, de parler de la complaisance excessive de certaines natures pour les amertumes du renoncement, elle se sentait soudain