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Allez voir de l’autre côté des Alpes, si elle dort ou si elle existe, la vraie France de nos pères, la vieille gloire rajeunie et redorée par l’élan fraternel !

Son rôle recommence, ou plutôt il commence tout à fait, car c’est la première fois qu’elle a écrit sur son drapeau, en marchant vers l’Italie : « Tout pour elle et rien pour nous ! » Honte et malheur à nous si cette parole n’était pas sincère ! mais elle l’est, le monde nouveau l’a dictée au génie de la guerre, et le Dieu des armées, qu’on invoque aussi dans le camp ennemi, l’entend et la bénit, car c’est sa cause même, c’est la cause de la divine équité qui est au bout de nos baïonnettes. Ne doutons pas, ou tout est perdu. Fermons nos oreilles et nos esprits à ceux qui raisonnent froidement devant la lutte grandiose que l’Europe attend pour être ou n’être pas. Ne nous souvenons pas d’hier, ne nous inquiétons pas de demain. Quels que soient nos théories et le libre sentiment de nos cœurs, vivons aujourd’hui ! Quel que soit le système qui nous gouverne, voulons avec lui ce qui est beau et juste. Il y a ici quelque chose en jeu qui est plus fort que lui et nous. Il nous est permis de crier Vive l’Italie ! crions-le bien haut et de toute notre âme !

Amis, renoncerons-nous donc pour cela à nos croyances et à nos affections ? Non ! on ne change pas de religion à nos âges. Mais regardons justement ce qui se passe aujourd’hui en Italie. Toutes les opinions personnelles ont fait un religieux silence. Les souverains marchent à côté des libres penseurs, et, dans les mêmes rangs, la monarchie absolue, et la monarchie constitutionnelle, la république tempérée ou fédérative, et le radicalisme unitaire, vont combattre le même ennemi, refouler la même invasion. C’est là un fait grand comme le monde, et il semble que la main de Dieu se soit étendue pour confondre