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dans une même tâche les croyants du passé avec ceux de l’avenir, les serviteurs du fait avec les apôtres de l’idée. C’est que le temps est peut-être venu où ceux qui voulaient marcher prudemment et ceux qui demandaient à courir seront contraints, par un mystérieux décret de là-haut, à s’avancer du même pas vers un certain progrès dont les uns doivent se contenter pour un temps donné et auquel les autres sont fatalement entraînés, dès aujourd’hui, à se soumettre. Un roi chevaleresque et un ministre patriote, deux grands cœurs en vérité, se sont rencontrés, et leur persistance héroïque a réveillé l’Italie. Ils ont appelé à eux ceux qui semblaient ne jamais devoir leur obéir, et quelque chose de magnanime, d’universel, de sacré, l’amour de la patrie, a fait taire toute discussion de part et d’autre. Charité sainte ! voici ton premier triomphe depuis bien des siècles et c’est vraiment le règne de Dieu qui commence. Et voici la France, habituée à recevoir de l’Italie le souffle des nouveautés divines, qui tressaille et bondit, en s’écriant comme elle : n’examinons pas, agissons !

Eh bien, quel que soit l’avenir, quelques déchirements, quelques désillusions qui nous attendent (il faut bien en prévoir et s’y résigner d’avance, toute œuvre humaine est soumise à cette loi implacable), ceci est un grand moment dans l’histoire. Plaignons ceux qui ne le comprennent pas, et bénissons cette milice ardente qui, au péril de la vie, va résoudre le plus grand événement du siècle, tandis que nous regardons fleurir les iris au bord des eaux et les fauvettes bâtir furtivement leurs nids sous la feuillée nouvelle. Ils souffrent déjà, nos martyrs de la cause sainte : les jours sont pluvieux et les nuits glacées. Ils dorment là-bas à même la terre, sous le dur climat des grandes Alpes ; ils souffrent et ils chantent, nous dit-on. Au matin, un rayon de soleil, entre deux nuées, ré-