Page:Sand – La Guerre, 1859.pdf/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

parti encore une fois du sein de la France. République ou monarchie, elle le jette vers les cieux. Il a déjà franchi les monts et la mer, et le monde attentif l’écoute avec une émotion profonde.

Il l’écoute avec stupeur aussi ; cela est si grand, si beau qu’il ne peut pas le croire. De l’autre côté du Rhin, on se demande si la France est sincère. Noble Allemagne de Luther, de Leibnitz, de Gœthe et de Lessing, peux-tu en douter ? Marcheras-tu derrière l’Autriche dans cette expédition barbare qui a pour but la spoliation de la terre où fleurit l’oranger, l’égorgement de la liberté de conscience et le triomphe de l’idée farouche qui dressa des potences et des bûchers à tes pères, les martyrs de la Réforme ?

Est-ce possible que l’éternel malentendu des discussions politiques prolonge les luttes impies, fausse toutes les idées, dénature toutes les situations et pousse les peuples aux plus énormes, aux plus criminelles inconséquences morales ? Non, nous ne pouvons le croire, nous qui, en dehors de toute polémique de parti, voyons dans la jeunesse allemande une autre sœur de la France et de l’Italie ! Philosophes, nos maîtres, étudiants, nos frères, est-ce vous qui fondrez sur Rome pour y forcer le pape à rallumer les bûchers de l’inquisition ? Qu’est-ce que ce teutonisme dont on veut effrayer ici le groupe des esprits incertains ? Qu’est-ce que cet orgueil germanique, irrité, nous dit-on, de l’attitude généreuse de la France ? Ah ! enfants de la vraie Allemagne, vous ne comprenez donc pas ? Vous, les penseurs par excellence, vous ne voyez donc pas clair dans les faits ? Quelle est cette fatalité effroyable qui nous diviserait aujourd’hui, quand vous devriez, comme nous, porter au-delà des Alpes, le plus pur de votre sang pour le rachat de la liberté !