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PROCOPE LE GRAND.



PROCOPE LE GRAND

«Ils troublent et confondent tous les droits humains, en disant qu’il ne faut point obéir aux rois, que tous les biens doivent être communs, et que tous les hommes sont égaux. »
(Lettre du pape Martin v au roi de Pologne.)

Nous avons promis à nos lecteurs, en terminant l’abrégé de l’histoire de Jean Ziska, un récit succinct de la vie de Procope, son élève dans l’art de la guerre, et son successeur dans le commandement de l’armée Taborite. On lit peu aujourd’hui l’histoire des sectes qui ont précédé la réforme de Luther. Nous croyons pourtant cette étude fort curieuse, fort utile et intimement liée à la solution des problèmes qui agitent les peuples d’aujourd’hui. Nous nous promettons de l’approfondir et de la développer ailleurs. L’esquisse rapide que nous allons tracer ne doit être considérée que comme un fragment d’une œuvre plus complète.

Ziska, Procope, sont deux soldats glorieux d’une cause glorieuse. Il faudrait expliquer Ziska et Procope par les doctrines qu’ils ont soutenues de leur épée, et pour lesquelles ils moururent. Comprendrait-on nos guerres de la Révolution, si on n’avait aucune lumière sur les principes de cette Révolution ? Ne faut-il pas Voltaire et Rousseau pour expliquer la Convention, Danton et Robespierre ? Les figures de Jean Huss, de Jérôme de Prague, de Wicklef, devraient donc précéder celles de Ziska et de Procope. Mais les réformateurs du quinzième siècle avaient eu leurs devanciers au treizième et au quatorzième. D’ailleurs toute cause se rattachait à l’Évangile, au Christ. Voilà donc en première ligne le Christ et l’Évangile ; là est la lumière qui devrait éclairer le sujet tout entier. On le voit, nous sentons bien, du moins, l’immense difficulté d’une pareille tâche ; et on nous pardonnera si, dans cette biographie comme dans la précédente, il s’agit plus des événements que de leur cause, plus d’histoire proprement dite que de théologie. Nous resserrons notre point de vue, pour pouvoir le remplir et pour être utile.

Avant de commencer, pourtant, nous prierons le lecteur de remarquer notre épigraphe ; car, à défaut de mieux, elle explique, quant à présent, ce que nous avons tenté déjà de faire reconnaître et toucher du doigt dans l’histoire de Ziska. Voici, dans son entier, le fragment authentique où nous avons puisé cette épigraphe. C’est un passage d’une lettre écrite par le pape Martin v au roi de Pologne en 1430, pour l’engager à se joindre à la croisade contre les hérétiques de Bohême. Ce prince lithuanien (Wladislas iv), très-récemment converti à la foi chrétienne, n’était probablement pas très-rompu aux subtilités théologiques. Aussi, le pape, jugeant à propos de lui