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JACQUES.



Elle était jolie comme un ange avec ce costume. (Page 47.)

LII.

DE FERNANDE À CLÉMENCE.

Pour le coup, mon amie, je ne puis ni me fâcher, ni m’affliger de ta lettre ; elle est burlesque, voilà tout. Je suis tentée de croire que tu es gravement malade, et que tu m’as écrit dans l’accès de la fièvre. S’il en était ainsi, je serais bien triste ; et je souhaite me tromper, d’autant plus que je ne voudrais pas perdre une si bonne occasion de rire. L’immuable raison et l’auguste bon sens ont donc aussi leurs jours de sommeil et de divagation ! Chère Clémence, ton état m’inquiète, et je te conjure de présenter ton pouls au médecin.

Malgré tous tes beaux pronostics et tes obligeantes condamnations, rien de ce que tu as prévu n’est arrivé. Je ne suis pas plus amoureuse de {{M.{Octave}} que M. Octave n’est amoureux de moi. Nous nous aimons beaucoup et très-sincèrement, il est vrai ; mais je n’ai d’amour que pour Jacques, et Octave n’a d’amour que pour Sylvia. Il la connaissait si bien, et il m’avait si peu trompée, que Sylvia m’a confirmé mot pour mot tout ce qu’il m’avait dit de leurs amours et de leurs querelles. J’ai obtenu qu’elle lui rendît au moins son amitié, et ce matin Jacques m’a aidé à les réconcilier. J’étais un peu inquiète de Jacques, qui a passé quatre jours à la ferme de Blosse, et qui ne m’a pas écrit pendant tout ce temps, bien qu’il envoyât tous les jours un courrier à Sylvia ; enfin, ils m’ont avoué ce matin que Jacques avait été très-malade et presque mourant pendant plusieurs heures. Il est encore d’une pâleur mortelle ; jamais je ne l’ai vu si beau qu’avec cet air abattu et mélancolique. Il y a dans ses manières une langueur et dans ses regards une tendresse qui me rendraient folle de lui si je ne l’étais déjà. Mais je te demande pardon ; cela est en contradiction ouverte avec ce que ta sagesse et ta pénétration ont décrété. Heureusement Jacques n’a pas apposé sa signature à ces majestueux arrêts, et jamais je ne l’ai vu si expansif et si tendre avec moi. En vérité, les beaux jours de notre passion sont revenus, ne t’en déplaise, ma chère Clémence.

Pour continuer ce récit, je te dirai donc que j’avais donné rendez-vous à Octave, et que pendant le déjeuner, le son du hautbois s’est fait entendre sous la fenêtre. Il