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LE SECRÉTAIRE INTIME.

science vêtue de sa robe étoilée. Ma vocation est là, j’en suis bien convaincu. Permettez-moi d’aller tous les ans passer quelque temps auprès de vous ; mais que personne ne le sache, et que mon nom s’efface de la mémoire des hommes. Que votre cœur soit l’unique page où je le retrouve inscrit quand j’irai vous offrir le mien, toujours embrasé d’une flamme nouvelle, » etc.



Ils virent glisser devant eux une petite barque… (Page 40.)

Le professeur, continuant son récit, apprit à Saint-Julien qu’après de vains efforts pour arracher Rosenhaïm à sa retraite, Quintilia avait fini par consentir à l’épouser secrètement et à retourner sans lui dans ses États. Mais depuis lors elle avait été passer tous les hivers un certain temps à Paris, et tous les étés Max était venu habiter pendant plusieurs semaines le pavillon du parc. Son séjour à Monteregale avait toujours été enveloppé du plus profond mystère, et toujours il était venu à l’improviste, procurant ainsi à sa femme la plus douce surprise et lui prouvant qu’il comptait sur elle au point de ne jamais craindre d’arriver mal à propos. « Cette union a toujours été si belle et si pure, continua le professeur, qu’elle prouve l’excellence des lois de Lycurgue, qui enjoignaient aux maris de n’aller trouver leurs femmes qu’avec toutes les précautions que prennent les amants pour n’être pas observés. »

Saint-Julien, à l’invitation du professeur, ouvrit au hasard plusieurs lettres de Max et de la princesse, et y trouva partout les expressions d’une tendresse exaltée jointe à la confiance la plus absolue et à l’amitié la plus douce et la plus sainte. En voici quelques-unes que Saint-Julien lut au hasard par fragments :

« … Autrefois, Max, je fis un beau rêve : je m’imaginai qu’il suffisait d’être sans détour pour être sainement jugé, et que la bouche qui ne mentait pas devait être écoutée avec confiance. Je me persuadais que la vertu était un vêtement d’or éclatant qui devait faire remarquer les justes au milieu de la foule ; je croyais que nul ne pouvait feindre la sérénité d’une âme pure, et que le calme n’habitait point les fronts souillés. Je me trompais, puisque je fus cent fois la dupe des traîtres ; et alors je cessai de me révolter contre les injustices d’autrui à mon égard. Tous ces hommes qui me jugent et me condamnent ont sans doute été trompés aussi souvent que moi. Toutes ces convictions, qui composent la voix de l’opinion, ont sans doute été troublées et abu-