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LES MAÎTRES MOSAÏSTES.

sa défense, répondit que, convaincu depuis longtemps de l’avantage de cette substitution pour certains détails, et jaloux d’en éprouver la solidité, il l’avait essayée dans ces deux figures qui étaient de peu d’importance, et qu’il s’était toujours promis de réparer à ses frais, si leur durée ne remplissait pas son attente, ou si la république blâmait cette innovation.



Il y a donc dans Venise des artistes plus malheureux que moi !
(Page 35.)

Le conseil ne semblait pas disposé à admettre cette excuse. Pressé d’accusations et de menaces, Valerio ne put résister à son emportement :

« Eh bien ! s’écria-t-il, puisque vous voulez le savoir, sachez donc le secret que mon frère voulait garder. En vous le révélant, je sais fort bien que je m’expose, non-seulement à la haine et à l’envie qui pèsent sur nous, mais encore à celle de tous nos rivaux futurs. Je sais que de grossiers manœuvres, de vils artisans, s’indigneront de voir en nous des artistes consciencieux ; je sais qu’ils prétendront faire de la mosaïque un simple travail de maçonnerie, et poursuivront comme mauvais compagnon et rival ambitieux quiconque voudra en faire un art et y porter la flamme de l’enthousiasme ou la clarté de l’intelligence. Eh bien ! je proteste contre un tel blasphème ; je dis qu’un véritable mosaïste doit être peintre, et je soutiens que mon frère Francesco, élève de son père et de messer Tiziano, est un grand peintre ; et je le prouve en déclarant que les deux figures d’archange qui ont obtenu les éloges de l’illustre commission nommée par le conseil, ont été imaginées, composées, dessinées et coloriées par mon frère, dont j’ai été l’apprenti et le manœuvre en copiant fidèlement ses cartons. Nous avons peut-être commis un grand crime en nous permettant de consacrer à la république notre meilleur ouvrage, en le lui offrant gratis et en secret, avec la modestie qui sied à des jeunes gens, avec la prudence qui convient à des hommes voués à un autre dieu que l’argent et la faveur ; mais, en nous accusant de fraude, on nous force à renoncer à cette prudence et à cette modestie. Nous demandons, en conséquence, qu’il soit prouvé que nous n’avons tenté cette innovation que dans une composition qui ne nous avait pas été commandée, et que nous sommes prêts à enlever de la basilique, si le gouvernement la juge indigne de figurer à côté des travaux des Bianchini. »

On consulta le devis des diverses compositions dessi-