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LA PETITE FADETTE.

était de leur goût. Pour moi, si j’étais belle, je ne voudrais le paraître et me rendre aimable qu’à celui qui me conviendrait.



Elle avait une coiffe toute jaunie par le renfermé. (Page 21.)

Landry pensa à la Madelon, mais la petite Fadette ne le laissa pas sur cette idée-là ; elle continua de parler comme s’ensuit :

— Voilà donc, Landry, tout mon tort envers les autres, c’est de ne point chercher à quêter leur pitié ou leur indulgence pour ma laideur. C’est de me montrer à eux sans aucun attifage pour la déguiser, et cela les offense et leur fait oublier que je leur ai fait souvent du bien, jamais de mal. D’un autre côté, quand même j’aurais soin de ma personne, où prendrais-je de quoi me faire brave ? Ai-je jamais mendié, quoique je n’aie pas à moi un sou vaillant ? Ma grand’mère me donne-t-elle la moindre chose, si ce n’est la retirance et le manger ? Et si je ne sais point tirer parti des pauvres hardes que ma pauvre mère m’a laissées, est-ce ma faute, puisque personne ne me l’a enseigné, et que depuis l’âge de dix ans je suis abandonnée sans amour ni merci de personne ? Je sais bien le reproche qu’on me fait, et tu as eu la charité de me l’épargner : on dit que j’ai seize ans et que je pourrais bien me louer, qu’alors j’aurais des gages et le moyen de m’entretenir ; mais que l’amour de la paresse et du vagabondage me retient auprès de ma grand’mère, qui ne m’aime pourtant guère et qui a bien le moyen de prendre une servante.

— Eh bien, Fadette, n’est-ce point la vérité ? dit Landry. On te reproche de ne pas aimer l’ouvrage, et la grand’mère elle-même dit à qui veut l’entendre, qu’elle aurait du profit à prendre une domestique à ta place.

— Ma grand’mère dit cela parce qu’elle aime à gronder et à se plaindre. Et pourtant quand je parle de la quitter, elle me retient, parce qu’elle sait que je lui suis plus utile qu’elle ne veut le dire. Elle n’a plus ses yeux ni ses jambes de quinze ans pour trouver les herbes dont elle fait ses breuvages et ses poudres, et il y en a qu’il faut aller chercher bien loin et dans des endroits bien difficiles. D’ailleurs, je te l’ai dit, je trouve de moi-même aux herbes des vertus qu’elle ne leur connaît pas, et elle est bien étonnée quand je fais des drogues dont elle voit ensuite le bon effet. Quant à nos bêtes, elles sont si belles qu’on est tout surpris de voir un pareil troupeau à des gens qui n’ont de pacage autre que le communal. Eh bien, ma