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HORACE.

sa porte, sur son diplôme ou sur sa patente, qu’on n’a, en aucun temps de sa vie, entendu porter atteinte à la sacro-sainte propriété.



M. Poisson parlait ainsi debout. (Page 14.)

Mais ceci est le procès à faire, je le répète, à la société bourgeoise qui nous opprime. Ne faisons pas celui de la jeunesse, car elle a été ce que la jeunesse, prise en masse et mise en contact avec elle-même, est et sera toujours, enthousiaste, romanesque et généreuse. Ce qu’il y a de meilleur dans le bourgeois, c’est donc encore l’étudiant ; n’en doutez pas.

Je n’entreprendrai pas de contredire dans le détail les assertions de l’auteur, que j’incrimine sans aucune aigreur, je vous jure. Il est possible qu’il soit mieux informé des mœurs des étudiants que je ne puis l’être relativement à ce qu’elles sont aujourd’hui ; mais je dois en conclure, ou que l’auteur s’est trompé, ou que les étudiants ont bien changé ; car j’ai vu des choses fort différentes.

Ainsi, de mon temps, nous n’étions pas divisés en deux espèces, l’une, appelée les bambocheurs, fort nombreuse, qui passait son temps à la Chaumière, au cabaret, au bal du Panthéon, criant, fumant, vociférant dans une atmosphère infecte et hideuse ; l’autre fort restreinte, appelée les piocheurs, qui s’enfermait pour vivre misérablement, et s’adonner à un travail matériel dont le résultat était le crétinisme. Non ! il y avait bien des oisifs et des paresseux, voire des mauvais sujets et des idiots ; mais il y avait aussi un très-grand nombre de jeunes gens actifs et intelligents, dont les mœurs étaient chastes, les amours romanesques, et la vie empreinte d’une sorte d’élégance et de poésie, au sein de la médiocrité et même de la misère. Il est vrai que ces jeunes gens avaient beaucoup d’amour-propre, qu’ils perdaient beaucoup de temps, qu’ils s’amusaient à tout autre chose qu’à leurs études, qu’ils dépensaient plus d’argent qu’un dévouement vertueux à la famille ne l’eût permis ; enfin, qu’ils faisaient de la politique et du socialisme avec plus d’ardeur que de raison, et de la philosophie avec plus de sensibilité que de science et de profondeur. Mais s’ils avaient, comme je l’ai déjà confessé, des travers et des ridicules, il s’en faut de beaucoup qu’ils fussent vicieux, et que leurs jours s’écoulassent dans l’abrutissement, leurs nuits dans l’orgie. En un mot, j’ai vu beaucoup plus d’étudiants dans