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GABRIEL.

moi ; tu ne m’aimes donc que par un effort de ta raison ou de ta vertu ?



Votre Altesse est une femme… (Page 35.)

GABRIELLE.

Juste ciel ! où en serions-nous si je te rendais les maux que tu me causes ! Pauvre Astolphe ! j’ai préservé mon âme de cette tentation, je l’ai quelquefois ressentie, tu le sais ! mais ton exemple m’avait fait faire de sérieuses réflexions, et je m’étais juré de ne pas t’imiter. Mais qu’as-tu ? comme tu pâlis !

ASTOLPHE, regardant par la fenêtre.

Tiens, Gabrielle ! qui est-ce qui entre dans la cour ? Vois !

GABRIELLE, avec indifférence.

J’entends le galop d’un cheval. (Elle regarde dans la cour.) Antonio, il me semble ! Oui, c’est lui. On dirait qu’il a entendu l’éloge que tu faisais de lui, et il arrive avec l’à-propos qui le caractérise.

ASTOLPHE, agité.

Tu plaisantes avec beaucoup d’aisance… Mais que vient-il faire ici ? Et comment a-t-il découvert notre retraite ?

GABRIELLE.

Le sais-je plus que toi ?

ASTOLPHE, de plus en plus agité.

Mon Dieu ! que sais-je !…

GABRIELLE, d’un ton de reproche.

Oh ! Astolphe !…

ASTOLPHE, avec une fureur concentrée.

Ne m’engagiez-vous pas tout à l’heure à aller seul à Florence ? Peut-être Antonio est-il arrivé un jour trop tôt. On peut se tromper de jour et d’heure quand on a peu de mémoire et beaucoup d’impatience…

GABRIELLE.

Encore ! Oh ! Astolphe ! déjà tes promesses oubliées ! déjà ma soumission récompensée par l’outrage !

ASTOLPHE, avec amertume.

Se fâcher bien fort, c’est le seul parti à prendre quand on a fait une gaucherie. Je vous conseille de m’accabler d’injures, je serai peut-être encore assez sot pour vous demander pardon. Cela m’est arrivé tant de fois !