Page:Sand - Adriani.djvu/130

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blic grossissait dans les réunions d’abord choisies, puis nombreuses et ardentes où je me laissais entraîner. Le public voulut m’avoir à lui. L’Opéra m’offrit et m’offre encore un engagement considérable. Les élèves assiégeaient ma porte. Les concerts me promettaient une riche moisson. J’ai tout refusé, tout quitté pour aller revoir la Suisse, le mois dernier. J’avais placé, de confiance, ma petite fortune chez un ami qui, sans me rien dire, l’avait risquée dans une opération commerciale que je ne connais ni ne comprends, mais qu’il regardait comme certaine. S’il l’eût perdue, je ne l’aurais jamais su ; il me l’eût restituée ; il l’a décuplée. Pendant que je gravissais les glaciers et que mon âme chantait au bruit des cataractes, je devenais riche à mon insu : je le suis ! J’ai cinq cent mille francs. Je n’ai pas connu mon bonheur tout de suite. J’ai si peu de désirs dans l’ordre des choses matérielles maintenant, que j’aurais perdu sans effroi cette richesse relative, le lendemain du jour où elle me fut annoncée ; mais, aujourd’hui, aujourd’hui, Laure, elle me rend heureux, puisqu’elle me permet de me donner à vous. Je m’appartiens ! Où vous voudrez vivre, je peux vivre et vivre à l’abri des privations. Votre Toinette m’a dit que vous êtes riche ; je ne sais ce qu’elle entend par là ; j’ignore si vous l’êtes plus ou moins que moi. Je vous avoue que je ne m’en occupe pas et que cela m’est indifférent. Il est des sentiments qui n’admettent pas ce