deuil. Au fond, il était peut-être un peu piqué de n’avoir pas été reçu et de voir son jeune hôte admis d’emblée ; et puis il était contrarié de trouver, ce dernier préoccupé et absorbé par l’amour, lorsqu’il arrivait chargé d’hémistiches qu’il brûlait naïvement de faire ronfler dans un salon sonore, longtemps veuf d’auditeurs intelligents.
Le baron avait fait des poëmes épiques qui ne l’eussent jamais tiré de l’obscurité s’il ne se fût heureusement avisé de traduire en vers quelques chefs-d’œuvre grecs. Grand helléniste, doué du vers facile et harmonieux, il avait un talent réel pour habiller noblement la pensée d’autrui. Pour son propre compte, il avait peu d’idées, et la forme ne peut couvrir le vide sans cesser d’être forme elle-même. Elle est alors comme un vêtement splendide, flasque et pendant sur un échalas.
Le succès de ses traductions avait presque affligé le baron. Il souriait aux éloges, mais il était humilié intérieurement. Il aspirait toujours à briller par lui-même, et, après trente ans de travail assidu et minutieux, il rêvait la gloire et parlait de son avenir littéraire comme un poëte de vingt ans. Après de nombreuses tentatives plus estimables qu’amusantes dans des genres différents, il s’était mis en tête de publier un petit recueil de vers choisis intitulé la Lyre d’Adriani.
Voici quel était son but :