Page:Sand - Adriani.djvu/196

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— Hélas ! oui, madame, répondit Toinette, qui avait les yeux rouges et gonflés ; madame m’a fait mille questions, et jamais juge criminel n’a torturé de la sorte un témoin. Que pouvais-je lui répondre ? Monsieur eût bien mieux fait de me dire son secret. J’aurais pu présenter la vérité dans son meilleur jour.

— Quel secret, Toinette ? dit Adriani impatienté. De ce que je voyage sous mon nom de famille pour éviter les importunités qui accablent un artiste dont le pseudonyme est connu de tous les amateurs, et dont heureusement la figure est moins connue que les ouvrages, doit-on conclure que je rougis de ma profession ? Est-ce là l’opinion de la marquise ? Prend-elle l’espèce de modestie, qui est le refuge de mon indépendance de promeneur, pour une lâcheté d’imbécile ?

— Je ne saurais vous dire ce qu’elle pense ; mais votre nom d’Adriani l’a intriguée. Elle a une mémoire désolante. Elle m’a demandé brusquement si vous chantiez. J’ai répondu que c’est par la musique que vous aviez fait connaissance avec nous. J’ai cru tout arranger en racontant la vérité, moi ! Elle s’est écriée : C’est cela ! Et, après m’avoir traitée comme une intrigante, avec ses petites paroles pincées qui vous figent le sang, elle m’a ordonné d’appeler madame.

— J’y vais, dit Laure tranquillement. Tu as bien fait d’être sincère, Toinette. — Et vous, mon ami, ne soyez