Page:Sand - Adriani.djvu/197

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pas inquiet pour moi. J’ai peut-être plus d’énergie qu’on ne m’en supposerait.

Laure trouva sa belle-mère à genoux sur un prie-Dieu. La chambre petite et sombre qu’elle occupait au château de Larnac était pauvre, nue et propre comme celle d’une religieuse. Jamais Laure n’avait pu la faire consentir à prendre sa part dans le bien-être qu’elle avait apporté dans la famille. Hautaine et stoïque, la noble dame couchait sur la dure, et, autant par orgueil que par humilité, elle ne souffrait pas le velours d’un coussin entre ses genoux et le bois de chêne de son prie-Dieu.

Elle ne s’était pourtant pas mise en prières dans ce moment par ostentation ni par hypocrisie. Elle s’était sentie indignée, et elle demandait à Dieu de n’en rien faire paraître. Sincère, mais complètement inintelligente des délicatesses du cœur, elle croyait avoir remporté une victoire décisive sur elle-même, quand, sans élever la voix, ni ressentir la moindre accélération de son sang, elle avait réussi à blesser avec préméditation la dignité ou la sensibilité d’autrui.

— Ma fille, dit-elle en se relevant, asseyez-vous, et veuillez m’écouter avec sagesse. Vous avez apparemment, sur l’importance des distinctions sociales, des idées qui diffèrent entièrement des miennes ?

— Je crois que oui, en effet, chère maman, répondit Laure.