Page:Sand - Adriani.djvu/198

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— Je m’en étais doutée quelquefois, reprit la marquise, surtout dans ces derniers temps ; mais l’éloignement que nous avons l’une et l’autre pour toute espèce de discussion oiseuse nous a empêchées de nous bien connaître jusqu’à ce jour, et je le regrette. J’aurais pu combattre en vous des tendances dangereuses aux idées révolutionnaires de ce malheureux siècle. J’aime à croire pourtant que ces tendances sont combattues en vous-même par le sentiment de votre propre dignité, et qu’en ajournant les espérances blessantes de M. Adriani, vous vous rappelez ce qu’il est et qui vous êtes.

Elle fit une pause pour attendre la réponse de son interlocutrice, qui avait pris, dès l’enfance, l’habitude de ne jamais l’interrompre. Laure répondit en résumant, en quelques mots, sans réflexion aucune, l’histoire qu’Adriani venait de lui raconter. Puis elle attendit à son tour le jugement que porterait la marquise.

— D’après ce que vous me dites, répondit celle-ci, et je veux supposer que M. d’Argères vous a bien dit la vérité, je vois qu’il mérite de l’estime et des égards. Sa naissance, quoique sortable, à ce que je crois, ne me paraît pas à la hauteur de la vôtre ; sa fortune, si elle est bien réelle, est supérieure à celle que vous possédez ; mais je vous estime assez pour croire que ce ne serait pas à vos yeux une compensation suffisante. Cependant, j’admets les inclinations de cœur qui font ac-