Page:Sand - Adriani.djvu/201

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— Alors, vous pensez vous retrancher peut-être sur ce que M. d’Argères n’est pas ce qu’on appelle un artiste ? Vous l’essayeriez en vain, ma très-chère. Des malheurs que je ne suis pas très-disposée à plaindre, puisqu’il avoue avoir perdu sa fortune en dissipations de jeune homme, l’ont réduit volontairement à subir cette dégradation. Je dis volontairement, parce que vous prétendez que sa famille lui a offert une pension pour l’y faire renoncer. J’ai une médiocre opinion, je vous le confesse, d’un homme qui blesse ouvertement celle de ses parents, et je préférerais beaucoup pour vous M. d’Argères ruiné, mais fidèle aux convenances de sa caste, que M. Adriani enrichi par le hasard et illustré par son savoir faire. Je sais que nous avons eu, dans l’émigration, de très-grands seigneurs réduits à faire usage de leurs talents d’agrément en pays étranger. C’est par nécessité qu’ils ont pris ce parti, et ils sont bien excusés par la persécution révolutionnaire ; mais, dans le cas de votre M. d’Argères, il n’en est point ainsi. C’est son goût qui l’a poussé au travail, et le travail ne dégrade pas l’homme, mais il le déplace à jamais. M. d’Argères a cessé d’exister pour ses pairs le jour où il a laissé imprimer, sur une affiche de concert ou de spectacle, le nom d’Adriani, et à paraître de sa personne devant des spectateurs payants. Vous pensez qu’il n’a jamais monté sur les tréteaux ? Vous vous trompez, et sa mémoire le