Page:Sand - Adriani.djvu/204

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fection sera incertaine et incomplète, je suis résolue à éloigner l’homme qui me l’inspire ; mais, si, après avoir essayé tour à tour l’effet de sa présence et de son absence, je me sens capable de m’attacher à lui, certaine de ne rencontrer jamais un plus digne objet, j’obéirai à mon cœur. Ce sera pour moi la volonté de Dieu ; car, loin d’avoir à me combattre jusqu’à présent, je ne fais autre chose que de lui demander le bienfait de la vie, et, si l’amour triomphe de mon abattement, je le recevrai comme on reçoit la grâce. Voilà ma pensée, voilà mes résolutions ; je ne vous tromperai jamais. Daignez ne voir aucune résistance personnelle contre vous dans cette résistance de tout mon être à vos opinions.

— Laure ! Laure ! s’écria la marquise, plus émue qu’elle ne l’avait jamais été dans une querelle, vous brisez votre vie et la mienne !

Il y avait une sorte de douleur dans son accent. Laure en fut touchée, et, se jetant à genoux devant elle, elle lui prit les mains :

— Ma chère tante, lui dit-elle, revenant par instinct à l’habitude de ses jeunes années, ne me retirez pas votre sollicitude, quelque indigne que je vous paraisse. Dieu m’est témoin qu’en vous combattant je vous respecte…

— Ah ! vous ne m’avez jamais aimée ! dit la marquise surprise par un sentiment de tristesse.